Baromètre de confiance 2021 : le besoin d’infos fiables en cette crise sanitaire redonne des couleurs aux médias

Le 34e baromètre de confiance dans les médias révèle un léger regain de confiance des Français envers les médias traditionnels, mais les 18-24 ans restent en retrait de l’actu classique. Synthèse de mon thread Twitter.

1. On note un retour d’intérêt vis à vis de l’actualité

(+8 points par rapport à l’an passé où l’intérêt pour l’info avait atteint son plancher historique (59 %). Sauf pour les 18-24 ans (51%), toujours peu intéressés.

2. L’intérêt pour l’actu est conjoncturel

L’intérêt pour l’actualité sur le long terme semble très dépendant des événements forts qui mobilisent ou pas l’attention. 2019 : mouvement des Gilets jaunes, 2015 : attentats contre Charlie Hebdo et Bataclan, 1995, 2007 : années d’élection présidentielle…

3. Une baisse continue de l’intérêt des 18-24 ans

Ce qui est notable, c’est la baisse continue de l’intérêt des 18-24 ans vis à vis de l’information, -12 points en 20 ans , même si quelques pics subsistent en 2006 (pré-campagne électorale avec forte mobilisation des jeunes par le PS/ Modem), 2009 : mouvements sociaux contre les licenciements, grèves dans les universités contre la loi d’autonomie etc.

C’est un point structurel qui me semble beaucoup lié au désinvestissement politique de la jeune génération. La presse et les médias pâtissent aussi d’une baisse d’attractivité de l’offre politique traditionnelle auprès de ces jeunes qui se politisent et s’informent autrement.

Tous les types de médias ont gagné du crédit. Le podium des canaux médiatiques les plus crédibles reste inchangé, avec la radio en tête, la presse, la télévision et Internet. 

4. La crédibilité d’Internet en forte hausse

La plus forte progression d’Internet en la matière interroge. Cela traduit peut-être un plus fort investissement de la presse papier en ce domaine et les efforts réalisés durant cette crise sanitaire (nouveaux formats, journalisme d’initiative, etc.).

Peut-être est-ce aussi l’effet de la décélération de la course à l’audience liée au basculement vers un modèle d’abonnement ? Phénomène qui a tendance à limiter les sujets « pousse-au-clic » (de la presse en tout cas).

A moins que ce rebond ne soit lié à la découverte des sites de médias en ligne par une frange de la population qui se contentait du papier et en avait une mauvaise image ? Les confinements et difficultés de distribution de la presse papier les ont forcé à s’y intéresser, ce qui explique aussi les fréquentations exceptionnelles des sites web des journaux.

On constate en tout cas une chute brutale et continue de la crédibilité des médias web à partir de 2016. L’année 2015 fut celle du pic de crédibilité de tous les médias, lié selon moi à cette « unité sacrée » contre la vague d’attentats traumatisants. 

Baisse de crédibilité de tous les médias après 2015, excepté en 2018 (hypothèse : Coupe du Monde de foot remportée par la France). 2019 année noire marquée par les Gilets jaunes qui a cristallisé les critiques d’une partie des Français contre le traitement jugé trop favorable au gouvernement.

5. Les médias contaminés par le discrédit politique

Une hypothèse que semble confirmer le jugement porté sur l’indépendance des journalistes vis à vis du pouvoir politique, qui voit un pic négatif en 2019. Le jugement porté sur les médias semble influencé par l’impopularité de l’action politique.

On retrouve d’ailleurs un pic de défiance vis à vis des journalistes en 2010, au moment du mouvement contre la réforme des retraites et 2014 ponctué par des frondes locales (ex. Notre Dame des Landes) et mesures impopulaires (gel des prestations sociales etc.) 

Les Français reprochent régulièrement aux journalistes leur manque de pugnacité à l’égard de l’autorité politique, voire leur complaisance. Il faudrait cependant distinguer de qui on parle et sur quel canal. Mais ne pas oublier que le principal vecteur d’info des Français est la TV (à 46%).

Même s’il y a de fortes disparités générationnelles, les plus de 35 ans se tournant en priorité vers la télévision, les moins de 35 ans vers Internet (et sur smartphone à 50% !). 

6. Le papier n’est pas mort et revient même un peu

En termes d’usages, la presse papier voit un léger rebond (+1 point), et plus encore la presse en ligne (+2 points) qui voit se confirmer le déplacement d’usages en sa faveur. Cela rend pertinent les efforts des médias vers la monétisation de ce canal (de plus en plus via l’abonnement). 

D’ailleurs, c’est bien la presse qui bénéficie le plus de l’augmentation d’usage d’Internet et des applications mobile (+4 points). Les réseaux sociaux sont en repli (-2 points). Prise de conscience des risques de « fake news » ? 

7. Besoin d’informations fiables en cette période incertaine et angoissante

Les autres sites sont aussi en repli (-1 point), ce qui semble démontrer qu’en cette période d’incertitude et de complexité croissante, les gens se tournent plutôt vers des journalistes professionnels (surtout en presse) pour la fiabilité de leurs infos. C’est encourageant.

Les Français semblent saturés d’infos sur la Covid-19, et un peu trop gavés d’élection US. Sur l’info people de l’année, ils sont majoritaires à en être satisfaits, voire à en redemander. On a AUSSI besoin de divertissement.

Les Français interrogés estiment en majorité qu’on n’a pas parlé assez de la « conférence sur le climat ». De fait, certains rédacteurs en chef repoussent vite ces sujets « qui n’intéressent pas ». Mais c’est souvent leur traitement qu’il faut revoir

8. Climat et violences aux femmes : deux sujets pas assez abordés

La question du dérèglement climatique et les violences faites aux femmes ont été mal traitée selon 56% et 52% des Français interrogés. Il est temps de prendre la mesure de ces questions de fond, sous un angle constructif.

Le traitement du sujet Covid-19 montre que l’aspect factuel est bien perçu. Ce qui a fait défaut souvent, c’est la véritable expertise scientifique. Sur le sujet « chloroquine » en particulier, certains médias ont manqué de prudence et de connaissances

Mais la perception des Français vis à vis des médias est très marquée par les pratiques de la télé en temps réel qui est inapte à traiter de ces sujets experts au temps long, quand elle n’exploite pas cyniquement la polémique (ex. les invitations de Didier Raoult sur BFM, LCI ou CNews).

9. Moins d’opinions, plus de faits

Le graphique ci-dessous montre en filigrane qu’il importe moins que les médias disent le vrai et le faux, qu’ils aident à faire ce choix là (en gros, moins d’éditos, plus de faits et d’analyse); L’ouverture au monde devant la proximité ? Cela ressemble fort à du déclaratif : dans les usages, on constate plutôt une forte appétence pour l’information de proximité.

A 72% « en discuter avec vos proches ». L’information est le carburant social, ce qui alimente la conversation. C’est l’une des missions principales des médias, concurrencée par Facebook et consort. D’où la nécessité de renouer la conversation avec les lecteurs.

Les Français ont le sentiment d’être plus souvent exposés aux fake news (+4 points). Encore faudrait-il se mettre d’accord sur ce que l’on met derrière ce terme (la mise en lumière/promotion de la chloroquine par certains médias est-ce des « fake news » ?

La défiance vis à vis de l’information provenant des réseaux sociaux est forte mais stable (66%). L’info en provenance des médias bénéficie d’un regain de confiance (+4 points), deux fois plus que les amis (qui progresse néanmoins +2 points). Le lien interpersonnel ne prend pas le pas sur l’expertise, même si c’est une recommandation importante.

10. Le désintérêt vis à vis de l’actu, forme de contestation politique

Les Français politisés s’informent davantage (83 % au PS), 81 % chez les Républicains., 79 % à LREM) comparé pop. française (67) % et non-politisés (59 %). Cela confirmerait mon hypothèse, d’un désintérêt des plus jeunes vis à vis de l’info corrélé à celui qui touche la politique en général.

Seuls les proches de FI (65 %, -6 points sur un an) et RN (57 %, -6 points) déclarent avoir moins suivi l’actualité cette année. Ce repli à l’égard de l’information médiatique est le signe d’une contestation/protestation socio-politique, encore plus forte à l’extrême gauche qu’à l’extrême-droite.

Il faut dire que les attaques les plus virulentes contre les médias sont venues de Jean-Luc Mélenchon qui a travaillé fortement à développer ses propres canaux pour les court-circuiter. 

La stratégie pour créer des médias alternatifs semble donc un relatif échec si l’on observe le regain de confiance récent de la population française envers les sources traditionnelles Cela explique-t-il le ton beaucoup moins vindicatifs des Mélenchon/ Le Pen à leur égard ?

[Thread fin] Ce fil est terminé, merci de l’avoir suivi, partagé, commenté. Merci au travail très précieux de @KantarFR@LaCroix@a_carasco sur le long terme ! 😘🙏

Cyrille FRANK

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Un commentaire sur « Baromètre de confiance 2021 : le besoin d’infos fiables en cette crise sanitaire redonne des couleurs aux médias »

  1. Les fake news sont aussi souvent issues des médias traditionnels que des médias dits alternatifs. L’année 2020 et ce début d’année 2021 l’ont bien montré avec les cascades de désinformation issues de médias traditionnels _ à commencer par la presse étasunienne (New York Times, Washington post, Time etc…) ou anglophone mais aussi française et francophone. Je ne crois pas à ces études : je remarque au contraire chez toutes les personnes cultivées et dotées d’esprit critique un rejet également justifié du pouvoir politique et du pouvoir médiatique. C’est-à-dire un rejet du nihilisme et de la post-vérité. Le monde actuel ressemble à l’Océania de 1984 et plus en plus de gens en prennent conscience . Rechercher des sources d’information non censurées et factuelles relève aujourd’hui du parcours du combattant _ et encore aucune des rares sources fiables ne traite tous les sujets. Autre point : la population française ne se divise pas en électeurs de LREM, du RN, de la FI, de LR etc…Une partie très importante des Français (précisément les mieux informés ou tout simplement les plus aptes à penser par eux-mêmes) ne se reconnaissent dans aucune de ces sectes.

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