Les médias sont confrontés à la bataille pour l’attention, plus féroce que jamais. Pour capter l’intérêt du public rare et fugace, voici quelques formats et stratégies efficaces.
Fin 2024, les médias luttent, comme tout le monde – pour capter l’attention des lecteurs. Notifications incessantes, plateformes de streaming, réseaux sociaux et outils professionnels saturent les écrans. La concurrence cognitive n’a jamais été aussi rude. L’utilisateur moyen jongle entre plusieurs écrans et sa disponibilité mentale est faible et de plus en plus instable.
Près de 70 % des lecteurs s’informent aujourd’hui via leur téléphone. Internet rivalise désormais avec la télévision comme source principale d’information. Cependant, ces habitudes varient selon les générations. La télévision reste dominante chez les plus de 35 ans (71 % des Français la consultent quotidiennement). À l’inverse, les jeunes préfèrent les réseaux sociaux et messageries, où les formats vidéos et interactifs prédominent.
1. Le déclin des médias traditionnels
Les médias traditionnels, comme la radio et la presse écrite, perdent du terrain. La radio, notamment, connaît une forte érosion parmi les 13-34 ans. Depuis 2019, son audience cumulée a reculé de 16 points sur ce public. Les podcasts, bien qu’en pleine expansion, n’attirent encore qu’une partie réduite de la population : principalement des jeunes instruits et urbains.
Par ailleurs, les réseaux sociaux dominent le temps passé en ligne. Les Français y consacrent en moyenne 56 minutes par jour, et ce chiffre grimpe à 2h24 pour les 15-24 ans. TikTok, Instagram et YouTube sont devenus des canaux privilégiés pour s’informer, au détriment de Facebook, en perte de vitesse. TikTok en particulier progresse fortement, et attire 23 % des 18-24 ans comme source principale d’information.
L’importance croissante de Google Discover
Google Discover s’impose comme une source de trafic essentiel pour les médias. Sur certains sites médias, il représente 70 à 80 % du trafic Google. En comparaison, les newsletters captent 10 à 20 % de l’audience, tandis que le trafic direct reste limité. Les rédactions doivent optimiser leurs contenus pour cette plateforme en soignant les angles, les titres (incitatifs), les visuels et le timing de diffusion.
Lire à ce sujet : Google Discover : les clés pour maîtriser cette “boîte noire”, cruciale pour le trafic
Crise de confiance envers les médias
La confiance des lecteurs envers les médias diminue. Les Français se détournent de l’actualité, saturés par des flux d’informations anxiogènes qui cultivent un sentiment d’impuissance. 61% d’entre eux évitent les infos parfois (45%) ou souvent (16%).
Pour reconquérir leur audience, les médias doivent donc soigner le « bénéfice lecteur ». Cela passe par des contenus qui apportent des solutions, du plaisir ou des connaissances utiles.
Quatre motivations principales des lecteurs
Tous les contenus performants répondent à un ou plusieurs de ces quatre besoins :
- Pratique : avoir des réponses concrètes, tangibles immédiate pour gérer sa vie au quotidien
- Plaisir : se divertir, éprouver un plaisir esthétique ou intellectuel (joie de comprendre !)
- Pensée : comprendre le monde et se comprendre soi-même
- Partage : se relier aux autres, être valorisé par la communauté
2. Formats innovants et engageants
Les formats classiques comme les articles illustrés perdent de leur efficacité, sauf s’ils sont très bien écrits, très utiles, très ciblés. Les rédactions adoptent des formats plus dynamiques pour capter l’attention.
Infographies et data-visualisations
Les infographies, elles, condensent les informations complexes en visuels clairs et attractifs. Elles sont idéales pour les réseaux sociaux ou les écrans mobiles. Exemple : le New York Times propose des graphiques personnalisés par ville ou région, adaptés au smartphone.
Stories interactives et quiz
Les stories Instagram offrent une expérience immersive grâce à des sondages ou des quiz. Ces derniers, adaptés au public cible, renforcent l’engagement. Ils permettent aussi de valoriser les participants via la publication de leurs résultats, ce qui favorise la viralité.
Vidéos courtes : le format roi
Les vidéos courtes dominent l’écosystème médiatique. Elles captent l’attention en quelques secondes, en particulier sur TikTok ou Instagram. Elles combinent rythme rapide, graphismes attrayants et surtitres pour maximiser leur impact. Les vidéos « shorts », introduites par TikTok et reprises par YouTube et Instagram répondent aux attentes des jeunes publics, mais pas que (55% de plus de 35 ans les consomment selon le Reuters Institute 2024 – p. 13)
Le storytelling au service de l’engagement
Le storytelling reste un levier puissant d’engagement des audiences. Les récits immersifs, enrichis de vidéos ou d’animations, permettent de captiver l’attention. Par exemple, les « articles animés » du New York Times combinent texte, images et vidéos pour expliquer des sujets complexes.
Formats immersifs et ludiques
Les lecteurs recherchent des expériences enrichissantes. Les rédactions innovent avec des contenus interactifs, comme les chronologies ou les graphiques « à la carte ». Ces outils permettent aux lecteurs de personnaliser leur expérience et d’obtenir des informations adaptées à leurs besoins.
Journalisme constructif : une alternative prometteuse
Le journalisme « de solutions » gagne en popularité. Il met en lumière des initiatives positives, répondant à un besoin croissant d’espoir. Ce format attire les lecteurs lassés par les informations négatives, tout en renforçant leur confiance envers les médias. Mais c’est un journalisme exigeant qui nécessite beaucoup de travail d’enquête pour éviter de tomber dans l’édulcoration des problèmes.
Les formats audio et co-construits
Les formats audio connaissent un essor important. The Economist propose des articles lus, adaptés aux rythmes de vie modernes où l’on fait plusieurs choses en même temps (on s’informe en faisant la vaisselle, en faisant son jogging etc.). Autre atout : être accessible pendant les transports ou les temps morts, ce qui augmente l’engagement.
La co-construction devient une stratégie clé pour les médias. Des sites d’information comme le néerlandais De Correspondent impliquent leurs lecteurs dans le choix des sujets et les enquêtes. Cette approche renforce le sentiment d’appartenance à une communauté et fidélise l’audience.
Les influenceurs et l’incarnation des contenus
Les influenceurs jouent un rôle croissant dans la diffusion de l’information. En France, Hugo Travers (Hugo Décrypte) ou Gaspard G attirent des millions de jeunes grâce à leur ton accessible, direct et leurs sujets/angles adaptés aux jeunes publics. Les rédactions s’inspirent de ces pratiques pour proposer des contenus plus incarnés, où les journalistes deviennent des figures visibles et accessibles.
Directs interactifs : un nouvel outil d’engagement
Les plateformes comme Twitch permettent d’organiser des directs interactifs, mêlant pédagogie et divertissement. Des figures comme Samuel Étienne ou Jean Massiet utilisent ces formats pour toucher de nouvelles audiences, notamment parmi les jeunes publics.
3. Stratégies pour 2024 : clés du succès
- Cibler le mobile : privilégier des formats courts et visuels, optimisés pour les smartphones
- Choisir les réseaux sociaux les plus pertinents par rapport au public visé (ex: TikTok et Instagram pour les 12-25 ans)
- Encourager l’interaction : utiliser les quiz, sondages et stories pour renforcer l’engagement
- Favoriser l’immersion : intégrer des vidéos, animations et récits efficaces (émotionnels, pédagos…)
- Valoriser la co-construction : impliquer les lecteurs dans le choix et la production des contenus
- Renforcer la confiance : adopter une approche constructive et transparente
- Incarner l’information, éditorialiser, prendre position (en argumentant et sur certains sujets seulement)
Conclusion : relever les défis de l’attention dispersée
En 2024, les médias doivent se réinventer pour s’adapter à une audience fragmentée et exigeante. Formats interactifs, storytelling immersif et co-construction sont autant de leviers pour capter l’attention et fidéliser les lecteurs. La clé du succès réside dans la capacité à répondre vite et sur le bon canal aux besoins d’une audience en quête à la fois de sens, d’utile, de plaisir et de valorisation sociale.
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Cyrille Frank
[Consultant, formateur, conférencier] voir mon cv plus détaillé
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