Croire ou pas, la raison ne fait rien à l’affaire !

Certains athées ne peuvent s’empêcher de penser que croire en Dieu est, d’une façon ou d’une autre, un aveu de faiblesse intellectuelle. Un reliquat de superstition qui mérite mépris ou condescendance, au mieux.

Cette idée – probablement le résultat de siècles d’anticléricalisme républicain – n’est pas juste sur le plan intellectuel. Et c’est un laïc, athée, voire agnostique dans mes moments de doute, qui vous le dit.

En réalité, il n’y a pas plus de raison de croire en Dieu que de ne pas y croire. Peut-on démontrer l’existence de Dieu ? Non, c’est un fait, malgré les efforts dérisoires des partisans de l’argument ontologique. Mais peut-on démontrer l’inexistence de Dieu ? Pas davantage !

L’organisation de l’univers peut aussi bien être le fruit d’un hasard total que le résultat d’une volonté divine, quelle que soit la forme que l’on donne à cette force supérieure.

LES INCOHERENCES SCIENTIFIQUES, C’EST PAS DÉBILE ?

Ce qui gêne le plus souvent les athées, c’est le dogme, les écrits religieux et la stricte observance des rituels. Dieu a crée le monde en 7 jours. Elle est bien bonne celle-là ! Quand on évalue l’âge de la Terre à plus de 4,5 milliards d’années ? Dieu a crée l’Homme à partir de rien et la femme avec une côte de l’Homme, d’où sa subordination originelle supposée.

On en apprend tous les jours, mais il semblerait que l’Homme, tel qu’on le connaît actuellement, soit le descendant d’hominidés simiesques, vieux de quelque trois millions d’années. Quant à l’origine biblique de la femme, elle relève de la magie et de la métaphore, guère plus défendue littéralement aujourd’hui que par les créationnistes et autres extrémistes rétifs par principe à toute connaissance. Sur ce point, je vous invite à revoir l’excellent “Le nom de la Rose”, qui nous rappelle par où les sociétés occidentales sont passées pour arriver à se débarrasser de l’obscurantisme religieux.

Mais, les religieux n’ont pas attendu la décléricalisation républicaine pour remettre en cause les dogmes, à l’aune des découverte scientifiques. Ainsi du dogme la transubstantiation – la transformation du corps et du sang du Christ en pain et vin, lors de l’Eucharistie. Au 13e s, Guillaume d’Occam (oui, oui, celui-là même du “Nom de la rose”) avait bien essayé de concilier l’inconciliable en évoquant une consubstantiation, plus conforme à la logique et à l’expérience.

Son idée était que le corps et le pain du Christ, transformés en sang et en vin, par la grâce de Dieu lors de la cérémonie, étaient présents de manière simultanée.

Cette théorie trop novatrice sera aussi écartée par l’Eglise catholique du 16e s, pour des motifs éminemment politiques : il s’agissait de ne surtout pas céder aux thèses réformistes (protestantes) pour qui cette Eucharistie relevait de la chimère.

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LA SCIENCE NE RÉPOND PAS À LA QUESTION DU SENS

Au début du XXe s, Teilhard de Chardin, paléontologue, tente de concilier la parole biblique avec ses connaissances scientifiques évolutionnistes. Il développe une vision imagée de la Bible où tout n’est pas à prendre au pied de la lettre, mais où chacun peut y puiser des vérités, à la mesure de son niveau d’instruction.

D’ailleurs, les textes, dès l’origine, n’étaient pas interprétés de la même façon dans tous les milieux. Par exemple, Saint-Augustin et sa « Cité de Dieu » (au Ve s après JC) offrait une vision métaphorique du Paradis, à la fois comme une forme de paix intérieure, un respect de soi et de Dieu et non comme un lieu de félicité orgiaque, comme pouvaient se le représenter les plus démunis;

Pour Teihard de Chardin, l’Homme n’est qu’une étape de l’évolution qui prépare l’avènement du “Christ Cosmique”, une ère d’harmonisation des consciences fondée, aboutissant à un tout “noosphérique”. On est loin du récit de la vie de Jésus – bien prosaïque – raconté aux petits catéchistes et débité comme parole d’Evangile (pas pu m’empêcher, désolé) aux fidèles réunis en prière.

Plus récemment, un astrophysicien de renom, Trinh Xuan Thuan, dans “La mélodie secrète”, décrit les mécanismes complexes nécessaires à l’apparition de la vie sur Terre. Il en déduit un réglage si fin, qu’il ne lui semble pas possible qu’il soit totalement fortuit. D’où sa croyance en l’existence, tout comme Voltaire en son temps, d’un “grand horloger”.

Les exemples sont nombreux de gens brillants qui croient en Dieu, car à force de chercher, ils mesurent leur petitesse face à l’immensité de l’univers et d’autre part, ils comblent ainsi un besoin fondamental de sens. On en trouve beaucoup parmi les scientifiques, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Depuis la fin en occident du politique et du religieux, du séculaire et du temporel, être religieux n’est plus synonyme d’obscurantisme.

Vivement qu’il en soit de même partout ailleurs, afin que la religion retrouve sa juste place dans nos sociétés et ses lettres de noblesses intellectuelles, non polluées par des motifs politiques et individuelles de conservation du pouvoir. Motifs, sous lesquels se cachent encore beaucoup de doctrines rigoristes, comme le catholicisme en son temps.

NE PAS CROIRE EN DIEU, ILLUSION DE LIBERTÉ 

Depuis la décléricalisation républicaine et la lutte (nécessaire) contre les abus de la religion, ne pas croire en Dieu est devenu synonyme de liberté supérieure. « Moi, je ne dépends de personne, je suis au dessus de ces superstitions idéologiques ». Cette façon de penser qui flatte notre orgueil conduit forcément à considérer ceux qui ne la partagent pas avec condescendance. Après tout, si cela leur fait du bien… On dirait la même chose d’un placebo.

La rationalité scientifique ne s’oppose en rien au fait de croire ou ne pas croire en Dieu. Ce sont des questions d’ordres différents, comme le vrai et le juste. En revanche, la science conduit à écarter des dogmes peu conformes à l’expérience et à repenser les textes sacrés avec une plus grande souplesse, et c’est heureux ! Il est fort légitime de remettre en cause les prétendues « vérités indiscutables » à l’aune de la progression de notre savoir. C’est ce qu’ont fait des générations de clercs, au passage, dont certains ont été de grands scientifiques aussi, tel Mendel, père de la génétique moderne.

Notre rationalité de non-croyant ne doit pas nous leurrer : c’est une croyance aussi. Par ailleurs, la moquerie anti-religieuse est aussi sotte que la chasse aux mécréants d’un autre âge (ou lieu, hélas). Et la certitude d’avoir raison quand on ne peut le prouver, c’est tout simplement de l’arrogante bêtise, même parée du masque de la liberté.

Cyrille Frank

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Crédit photo en CC Dave Lawrence via Flickr.com   et Nasa

2 commentaires sur « Croire ou pas, la raison ne fait rien à l’affaire ! »

  1. « Notre rationalité de non-croyant ne doit pas nous leurrer : c’est une croyance aussi. »
    Merci pour vos écrits souvent pertinents. Mais là, non. Ne pas croire en Dieu n’est pas une croyance. C’est simplement que la charge de la preuve est du côté de celui qui affirme ce qui pourrait n’être qu’une simple utopie… qui par ailleurs implique toute la société (morale héritée de la religion, « croyance » dans un Libre Arbitre illusoire en l’absence de preuve également etc.). L’hypothèse Dieu mériterait quelques débuts de preuves. Sans cela, je suis autorisé à dire que je ne sais pas.
    Ce qui n’est pas une croyance !

    1. Bonjour Perrogon,

      Merci pour votre message et compliment !
      Vous vous focalisez sur le mot « Dieu », car vous y voyez peut-être une représentation un peu folklorique, telle que décrite par les religions ?

      Mais, pouvez-vous prouver que quelque chose, une force quelconque supérieure, n’est pas à l’origine de tout ? Non, pas plus que le contraire. Le fait de croire ou ne pas croire fondamentalement, n’est pas de l’ordre du rationnel, mais de la conviction indémontrable. Il n’y a pas plus à apporter de preuves pour l’une ou l’autre partie. Admettre cette incertitude, c’est cela, la vraie rationalité, et cela conduit à plus de tolérance. D’ailleurs, c’est ce que vous dites quand vous déclarez « je ne sais pas ».

      Pascal avait résolu ce dilemme sous la forme d’un choix : le fameux « pari de Pascal ». « Je crois en Dieu, car j’ai plus à y gagner », pour résumer.

      Derrière les convictions, il y a souvent un intérêt personnel : un confort moral ou social, l’orgueil, la conformité avec son système de pensée construit dans le temps (éviter une dissonance cognitive etc.)

      Cependant, cette tolérance n’est pas non plus un blanc-seing vis-à-vis des religions qui prétendent exercer un contrôle politique et social sur l’Humanité. C’est pour cela que je suis un laïque résolu et réclame le droit de croire ou de ne pas croire, ainsi que le droit de ne pas respecter des idoles (je suis profondément Charlie, sur le fond).

      Bien cordialement !

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