Presse en ligne : 10 conseils pour parvenir à faire payer les lecteurs sur Internet

Enfants gâtés de la gratuité, nous, internautes, sommes aujourd’hui majoritairement rétifs à payer pour de l’information. Pas impossible, mais pas pour toutes les informations et pas à n’importe quel prix.

14/03/19. Pourquoi paierait-on pour une information qu’une foule de sites proposent gratuitement ? La concurrence des blogs et sites de « curation », au premier rang desquels Google Actualités – qui resservent plus ou moins légalement le travail des autres – démonétise l’information. Sans parler des réseaux sociaux qui deviennent les premiers distributeurs de la presse en ligne, et prélèvent une part croissante du marché publicitaire, au détriment des producteurs.

Et pourquoi devrait-on soudainement payer pour ce que la quasi-totalité des médias ont offert pendant de longues années ?

LES MEDIAS, PARTIELLEMENT RESPONSABLES DE CE QUI LEUR ARRIVE

Les uns par calcul à court terme : ils ont engrangé cette manne publicitaire supplémentaire – même bradée – qui est venue s’ajouter aux recettes de la publicité papier. Mais quand cette publicité print s’est écroulée, impossible de relever les tarifs numériques qui n’ont pas compensé du tout la baisse des revenus. (voir schéma ci-dessous).

Les médias ont pêché par manque d’anticipation. Ils n’ont pas vu venir le déclin rapide du lectorat papier, et n’ont compris que ces tarifs numériques bas serviraient de référence pour de nombreuses années. Les annonceurs sont comme les lecteurs : impossible de revenir en arrière en augmentant brutalement les tarifs pour un même service. 

C’est d’ailleurs une autre erreur majeure des médias : n’avoir pas innové assez sur les formats publicitaires. Le seul qui l’ait fait avec de gros moyens est un des rares à s’en sortir aujourd’hui : il s’agit de « La Presse » canadienne qui est parvenue à imposer des tarifs publicitaires sur tablette au même niveau que ceux de son ancien titre papier. Mais cela, grâce à des outils innovants et l’intégration d’un accompagnement publicitaire créatif et de qualité.

chute lectorat papier pas compensée par le web
©Business Insider – 2013

Certains éditeurs sont passés d’un extrême à l’autre. Du tout payant inepte à l’époque où la concurrence était abondante, au tout gratuit qui contribue à démonétiser la production de contenus, dans un contexte de chute des tarifs publicitaires. Ils ont enfin compris que la solution était dans l’entre-deux avec des offres mixtes, ne serait-ce que pour faire connaître les produits.

D’autres ont simplement été naïfs… Ils ont offert leurs contenus en pensant développer d’abord l’usage pour mieux monétiser par la suite, selon la technique classique du dealer. Ils n’ont pas compris que le dealer, lui, propose un produit rare et nécessaire, du fait de la dépendance physique qu’il crée. Les journaux et médias en ligne, eux, ne proposent qu’un packaging différent d’une information abondante. D’autre part, ils cherchent à vendre un produit dont on n’a pas besoin. Des tas de gens vivent très heureux, sans s’informer. Si, si…

L’INFORMATION SEULE N’A JAMAIS MOTIVE L’ACHAT DU JOURNAL

L’information n’a jamais suffi à motiver l’achat d’un quotidien. C’est vrai que l’on achetait avec son journal l’information de socialisation : celle qui alimenterait nos conversations au café et au bureau (et notamment les fameuses rubriques nécrologiques qui continuent de soutenir la presse locale). Mais on achetait aussi l’info pratique : les travaux sur la départementale 117, les horaires d’ouverture de la piscine, la météo, le programme tv… 

On bénéficiait des petites annonces d’emploi et de logement ou de vente entre particuliers. On se divertissait avec les faits divers (au sens où ce genre d’information fait diversion sur nos soucis quotidiens), les mots croisés, la BD de fin ou le dessin de une… 

Or, tous ces services ont été proposés en mieux sur le web, et souvent gratuitement : les services publics en ligne, les programmes tv, les sites de petite annonces gratuits comme leboncoin.fr etc. Les groupes qui s’en sortent le mieux, sont ceux qui ont su racheter (souvent cher), les services qui leur avaient été enlevés (cf le Figaro qui s’est offert Adven ou Schibsted qui a racheté leboncoin.fr)

ALORS, LE PAYANT SUR LE WEB, C’EST MORT ?

Non, pas forcément, mais cela va demander aux éditeurs des efforts particuliers. Voici les conditions préalables au succès de leurs contenus payants sur Internet :

1. Offrir un vrai service

Les contenus pratiques qui m’aident dans ma vie concrète, immédiate, et comblent des besoins essentiels seront les plus faciles à vendre : trouver un logement (ou surtout vendre un logement), trouver un job, trouver l’amour (ou combler un besoin sexuel), trouver des informations qui me permettent de gagner ou économiser de l’argent (conseils financiers précis, conseils fiscaux…)

Les contenus qui m’apportent du plaisir : divertissement, films, loisirs, jeux. Ceci, à condition que le niveau de service rendu soit suffisant. Dans le domaine médical, on parle de SMR (service médical rendu, qui détermine le taux de remboursement d’un médicament), moi j’évoque le SIR (service d’information rendu). Et le niveau requis augmente, à mesure que la concurrence se fait de plus en plus féroce. 

Il y a aussi l’information de « passionnés », à condition que le niveau éditorial soit suffisant. L’Equipe Explore est sans doute un contenu qui pourrait se vendre aux aficionados du sport, mais tout dépend à quel prix (voir plus loin).

Les contenus qui m’apportent de la pensée : qui m’aident à mieux comprendre le monde et moi-même. Ceci, à condition que je les aie compris et digérés, ce qui demande un effort de vulgarisation et un emballage plaisant. C’est là que le plaisir, non seulement n’st pas incompatible avec la pensée, mais est totalement requis ! Plus vous voulez parler de choses ennuyeuses, ou disons difficiles d’accès, plus il faut soigner la forme et apporter du plaisir par le format.

Cliquez sur l’image ci-dessous pour voir la présentation Slideshare « redonner de la valeur aux produits éditoriaux »

2. Proposer un contenu rare

Le deuxième critère, cumulatif du premier, c’est que les informations devront être exclusives. Naturellement, pourquoi payer pour quelque chose que l’on peut obtenir gratuitement ? C’est là que ça devient compliqué, car les concurrents gratuits viennent casser le marché. C’est la fameuse « ubérisation » dont on nous rebat les oreilles.

Quand leboncoin.fr se lance en gratuit, on ne donne pas cher de sa peau. Il a aujourd’hui quasiment tué Ebay en France.

La presse locale dispose là d’un atout considérable, car elle peut fournir un service d’information unique, si elle se concentre sur son terroir et territoire. En allant chercher de l’information de proximité, plus que de la dépêche AFP…

3. Proposer un prix décent

La question est de vendre le produit à un tarif acceptable pour le public, ce qui ne correspond hélas, pas toujours au coût de production. D’abord, parce que la structure de coût des médias (et surtout de la presse imprimée) est trop lourde. Ensuite, parce qu’on veut vendre ce qui nous a coûté le plus cher à produire, sans nous préoccuper de l’appétence réelle du public pour ce produit. « Attend, ce sujet sur la Syrie nous a coûté une blinde, on va le proposer en payant ». 

Si 5.000 personnes l’achètent à 3 euros, on rentre dans nos frais (à peu près). 3 euros ? Sans rire ? Qui peut accepter ce tarif quand on peut acheter une application mobile complexe ou un jeu pour ce prix ?

4. Avoir une politique commerciale intelligente

Il faut repenser la granularité des offres. De l’abonnement global cher pour les fans, à l’abonnement à prix réduit pour les plus jeunes (lycéens, étudiants…).

Attention toutefois à ne pas partir de trop bas, car il est quasiment impossible d’augmenter les prix par la suite. 

C’est un vrai métier de déterminer les offres commerciales. Le New York Times a commis une erreur en lançant son offre NYT Now à destination d’une nouvelle cible :  les jeunes. Son offre beaucoup trop alléchante a aussi convaincu des abonnés traditionnels qui payaient beaucoup plus auparavant ! Cette conquête de nouveaux abonnés a donc cannibalisé l’offre de base et fait chuter le CA et la rentabilité du titre.

Il est aussi très important de mettre en place une stratégie marketing différenciée selon la nature des visiteurs : fidèles, occasionnels ou aléatoires. Cela passe par une analyse fine des statistiques d’audience, et des outils d’automatisation qui proposent des messages ciblés aux visiteurs, selon leur profil.

Des logiciels comme Active Campaign ou Sending Blue permettent de créer des dizaines de scénarios différents fondés sur des ciblages très précis. C’est cette technique qui a permis notamment à Brief.me – indépendamment de la qualité de son offre éditoriale – de recruter 5000 abonnés en un an, alors qu’elle avait mis deux ans a recruter son premier millier d’abonnés.

Vous vous êtes inscrit à la newsletter gratuite, vous avez lu plus de dix articles du quotidien dans le mois, la durée moyenne de vos sessions est de plus de trois minutes, vous avez surtout regardé des résultats de foot et des jeux : vous êtes le prospect idéal pour une offre d’essai d’un mois, avec un message personnalisé sur la couverture exclusive de la prochaine compétition de football + jeu de fantasy League.

La même technique peut aussi s’appliquer aux paywalls selon le canal d’arrivée par exemple. On sait que ls visiteurs des réseaux sociaux, plus volatiles et difficiles à convertir bien sûr que les visiteurs directs ou même ceux qui passent par Google, ont besoin de plus de contacts utiles à la marque média. Le paywall pourra être rallongé de 3 articles, par rapport aux autres canaux d’arrivée par exemple.

5. Promouvoir intelligemment ses contenus

Revoyons la politique commerciale des journaux et inversons le paradigme ! Actuellement, ce qui a le plus de valeur est mis sous clé et est invisible du public. Normal, on ne va pas donner gratis ce qui peut perte susceptible d’être vendu ! Mais encore faut-il en avoir connaissance ! La première chose que fait un bon vendeur, c’est de vous mettre le produit dans les mains. Vous pouvez le regarder de près, le toucher, le tester… Et cela augmente les chances de déclencher l’achat. 

Médiapart a eu l’intelligence de comprendre cela : à l’ère de la profusion des contenus, il faut montrer le produit le plus possible. Et notamment, ce qui a le plus de valeur : la révélation des scandales est généralement accessible gratuitement, pour diffuser au maximum. L’affaire Cahuzac, le scandale de Sarkozy et Kadhafi …

Mais ce qu’a bien compris Edwy Plenel, c’est aussi la nécessité de séquencer le travail pour mieux le vendre. Donner assez d’information pour hameçonner, mais pas tout ! C’est la même recommandation d’ailleurs que j’adresse aux médias dans le choix de leur titraille.   Les journaux essaient de pratiquer cela, mais ils se leurrent le plus souvent s’ils pensent pouvoir hameçonner les lecteurs en leur proposant un bout d’accroche et l’attaque.

Il faut impérativement que le lecteur ait déjà eu un premier bénéfice, qu’il ait appris quelque chose de fort, qu’il soit satisfait de ce premier niveau d’information. Ensuite on doit lui laisser voir ce qu’il rate : le sommaire, le nombre de mots, des extraits de videos ou d’animations qui suivent… Inspirons-nous des bandes-annonces de film dans la VOD !  Il faut passer du temps à trouver les distributeurs, accepter de partager les revenus avec un effort sur la marge, au bénéfice des plateformes fréquentées dans un premier temps, quitte à revoir le contrat par la suite.

6. Exploiter les données de ses utilisateurs 

Les algorithmes comme Outbrain et Taboola savent analyser précisément la consommation des lecteurs pour servir des contenus et de la publicité affinitaire. Il faut faire la même chose pour les contenus payants, tel Amazon, ou dans le domaine de la presse, ce que se propose de faire Quiota.

Maîtriser les outils de CRM pour faire des relances intelligentes, utiliser les newsletters mixtes qui proposent une partie de gratuit, une partie de payant, sur les sujets les plus vendeurs.  Les données utilisateurs sont aussi largement sous-exploitées : l’analyse automatisée des sujets consultés et du temps de lecture effectif permettrait d’affiner le produit à chaque public.

Et la géolocalisation intelligente pourrait permettre de pousser les bons contenus au bon moment.  Promouvoir un dossier long et complexe sur la géopolitique du proche-orient le matin avant d’aller au travail est un moment mal choisi. Qui est disponible physiquement et mentalement à ce moment ? Le dimanche matin vers 11 heures, en même temps que le café de la grasse-matinée sera sans doute plus adapté.

Mieux encore, l’algorithme pourra réaliser un push différé sur mesure, selon l’analyse récurrente des périodes  de consultation de ce type de contenus par telle ou telle personne. 

7. Repenser les produits éditoriaux autour du service

On ne vendra pas de l’information générale sous format textuel, sauf à une petite niche déjà largement occupée par Mediapart et Le Monde.   Il faut repenser les formats en prenant en compte la dimension davantage visuelle et le besoin de plaisir fort des lecteurs. Les animations interactives du Monde vont dans cette direction, les quiz décalés, les infographies belles et malignes, les vidéos bien tournées, le mélange émotion-raison…  

Il faut produire moins, mais mieux. Une part importante de ce que produisent les journaux n’est pas vu. Changeons nos manières de travailler, ce qui implique aussi… soyons honnête, un coût social et un très fort besoin de formation. Les médias et les journaux doivent aussi redevenir ce qu’ils étaient autrefois : un service global. Un carburant social, une source d’amusement (cartoons-mots croisés), une aide au jour le jour (infos pratiques), une ouverture sur le monde et soi, un peu.

Il doivent repenser leur offre éditoriale en comprenant que l’information n’est qu’une brique de ce que les gens attendent aujourd’hui. Il veulent aussi un espace communautaire où se socialiser, ils veulent comprendre les choses, mais sans souffrir (pas masos), il veulent qu’on les aide concrètement dans leur vie quotidienne, ils veulent qu’on les amuse et les fasse marrer. Un média qui me propose tout cela de manière exclusive, oui, je m’abonne ! Mais pas à n’importe quel prix…

8. Mettre le paquet sur la communauté !

C’est le moment où jamais de mettre le paquet sur la communauté, sur l’interaction intelligente avec ses lecteurs, car la socialisation est une motivation décisive dans un acte d’abonnement, bien plus même que l’information elle-même !

Selon le Financial Times, les lecteurs qui commentent sont sept fois plus engagés que les  autres, ils lisent plus, passent plus de temps sur le site et y reviennent plus souvent. Cet engagement est décisif pour transformer un lecteur en abonné et le fidéliser.

Les exemples sont nombreux de journaux qui ont dopé leur nombre d’abonnés en développant leur communauté : The information, De Correspondent, Republik, The Financial Times etc. J’en détaille les mécanismes dans cet article et la présentation ci-dessous :

9. Cesser de produire ce qui a peu de valeur pour le lecteur

Eviter de reproduire ou bâtonner l’information factuelle que tout le monde diffuse via l’AFP, pour créer une information plus rare et plus poussée.

schéma production médias inadaptée à la demande - mediaculture.fr
©mediaculture.fr

Il faut dégager du temps, des moyens et de l’énergie sur ce qui a le plus de valeur pour l’utilisateur.

C’est aussi un travail sur les angles et les formats, pour apporter un meilleur service aux lecteurs (que ce soit en profondeur d’information, en divertissement, en info pratique, en lien social…).

Je suis convaincu aussi qu’il faut monter en gamme en matière de narration, non seulement sur les formats longs, mais aussi sur le court. La fameuse écriture web efficace en pyramide inversée et cruciale pour la distribution sur Google, doit être adaptée à un public différent : l’abonné. Il faut retrouver du ton, un style, de la connivence qui sont peu compatibles avec une narration informative aride qui convient très bien à l’actualité chaude, mais pas au magazine – aujourd’hui crucial pour générer des abonnements.

L’écriture web n’a jamais été autant une imposture qu’aujourd’hui 🙂

10. Unir les forces des marques médias 

Les médias devraient faire cause commune pour apporter un meilleur service aux lecteurs et se vendre en groupé. C’est ce que proposait Blendle, mais les médias devraient créer leurs propres plateformes. C’est dur aujourd’hui de choisir un abonnement, une marque, alors que l’offre d’information est si vaste. Il est beaucoup plus attrayant de s’abonner à un pack cohérent d’information, qu’à un seul titre ! Même si la marge se divise, elle étendrait tant la clientèle, que les journaux y gagneraient. 

Il faut réitérer la logique iTunes dans le domaine de la news. Pourquoi choisir un catalogue musical incomplet, lorsqu’on peut tout avoir à la carte ? C’est aussi la diversité des chaînes de télévision qui explique l’usage encore massif de ce média.

Il est crucial d’assurer la rentabilité économique des médias, non pas tant pour permettre la survie des journaux ou maintenir l’emplois des journalistes. Après tout, qui a pleuré la disparition des cochers au XIXe s ? Non, ce qui se joue là, c’est le pluralisme des points de vue et l’accès du plus grand nombre à l’information de qualité : vérifiée, hiérarchisée, accessible. Mettre la bonne information derrière des murs payants réservés à quelques-uns – les plus riches et surtout les plus instruits – accentue les inégalités socio-culturelles déjà criantes. Et détruit encore un peu plus notre cohésion sociale fragile.

11. Tester, se planter, essayer encore

Celui qui vient vous voir en prétendant qu’il connaît la recette est un escroc. Celui qui veut à tout prix reproduire la « success story » de Mediapart est un idiot – le créneau de l’investigation militante est déjà occupé.  Il n’y a que des hypothèses qui peuvent être validées ou invalidées par les chiffres et les tests.

Quelle information les gens sont prêts à payer et à quel tarif ? Difficile à dire car les « gens », ce n’est pas un tout homogène. Il va falloir tester, se planter et réessayer encore. Comme toute industrie, la presse en ligne doit adapter ses produits à sa cible. Mon intuition est qu’il faut fournir davantage d’ingrédient « plaisir » et un service de socialisation supérieur à celui qu’il est actuellement. Mais cela dépend évidemment de la ligne éditoriale du titre et des cibles visées.

PS : Isabelle Szczepanski, journaliste à Electron Libre (qui fonctionne sur abonnement) ajoute un point clé : le manque d’aide des pouvoirs publics, plus soucieux de préserver l’emploi dans la presse traditionnels (pas pour des raisons électoralistes bien sûr), que préoccupés par le pluralisme de l’information. Elle dénonce notamment le peu de moyens attribués par la BPI aux pure-players innovants de l’information :

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Twitter - Isabelle Otto
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PS : si j’ai oublié un point important, n’hésitez pas à me le signaler, pour que je l’ajoute, le cas échéant, à l’article. En vous mentionnant, bien sûr ^^ Merci !

Article paru initialement le 15 décembre 2015, actualisé le 14 mars 2019.

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Cyrille Frank

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Crédit photo : R4vi sous licence Creative Commons, via flickr.com

5 commentaires sur « Presse en ligne : 10 conseils pour parvenir à faire payer les lecteurs sur Internet »

  1. Point 6 : « Outbrain et Taboola savent analyser précisément la consommation des lecteurs pour servir des contenus et de la publicité affinitaire » ??? Non mais c’est une blague ? Ces services sont une véritable plaie et discréditent les médias. Ce ne sont que des machines à « putaclic » qui proposent des contenus racoleurs aux contenus plus que médiocres. Alors que nous sommes en train de finir la lecture d’un article de fond sur un grand média, dit de référence, on aimerait trouver en bas de cet article des sources complémentaires, quelles déception pour ne pas dire quel choc de constater ces bandeaux proposant « un ipad à 1 € » ou « une femme fait gonfler ses seins » ou autres débilités du même genre. Rien à voir avec l’article concerné ni la navigation de l’internaute. Résultat, la presse en ligne perd de sa crédibilité, c’est tout. Ces services sont à fuir !

    1. @octoprint Les médias peuvent choisir précisément la manière d’utiliser ces services, soit pour redistribuer vers leurs contenus, soit pour gagner de l’argent en affiliation. Ils peuvent aussi décider de black-lister les sites qu’ils considèrent comme non cohérents avec leur ligne éditoriale, ou trop concurrentiels. Donc, si les liens de redistribution sont mauvais, la faute en revient aux médias eux-mêmes, pas à la technologie elle-même !
      Comme toujours, la technologie n’est que ce qu’on veut bien en faire…

      Merci pour votre commentaire 🙂

  2. « Mettre la bonne information derrière des murs payants réservés à quelques-uns – les plus riches et surtout les plus instruits – accentue les inégalités socio-culturelles déjà criantes. » Ceci suscite quelques réflexions:
    > Le payant est indispensable pour financer les rédactions, la pub n’y suffit pas
    > Mediapart accentue-t-il les inégalités socio-culturelles?
    > Avant le web, le payant existait déjà, c’était (cela reste) la vente de journaux imprimés. Le (vrai ou faux) gratuit existait aussi (et existe toujours) : la radio, la télé. Etait-ce plus inégalitaire à l’époque?
    > Ce qui a évolué, c’est la répartition du budget médias-loisirs des ménages. Avec une part croissante dévolue aux abonnements internet fixe et mobile… qui donnent accès à de l’info gratuite, facilement de surcroît, partout, tout le temps. Sans parler des abonnements Netflix/Spotify etc, dont une majeure part du budget alloué provient de l’abandon des achats de CD et DVD. La part restante pour l’info payante s’est considérablement réduite.

    1. Bonjour Phil,

      > Le payant est indispensable pour financer les rédactions, la pub n’y suffit pas

      Oui, nous sommes d’accord

      > Mediapart accentue-t-il les inégalités socio-culturelles?

      Oui, tous ces médias qui mettent leurs contenus derrière un paywall, renforcent les inégalités socio-culturelles et l’entre-soi. En plus d’une forme de communautarisme (le clan des militants de Plenel). Est-ce que ce sont des monstres pour autant ? Non, chacun joue sa partition, je ne leur reproche rien, je constate juste. Je m’interroge cependant sur la manière dont l’aide publique à la presse pourrait servir le plus grand nombre, c’est une refonte globale des aides à la presse que j’appelle de mes voeux, et de ce point de vue, c’est plus les journaux papier que j’ai en ligne de mire…

      > Avant le web, le payant existait déjà, c’était (cela reste) la vente de journaux imprimés. Le (vrai ou faux) gratuit existait aussi (et existe toujours) : la radio, la télé. Etait-ce plus inégalitaire à l’époque?

      Il est difficile de comparer quand tout l’éco-système de l’info a radicalement changé. D’un point de vue purement comptable, oui, un journal payant est plus cher pour un pauvre que pour un riche; et statistiquement, il y avait une faible proportion d’ouvriers abonnés aux journaux intello (le Monde, L’Express etc.). Il y avait cependant aussi beaucoup de lecteurs populaires du Parisien ou de France Soir qui n’étaient pas de mauvais journaux. A l’époque, c’était même bien mieux que la soupe Facebook qui informe de plus de plus de nos concitoyens. Donc, il est probable que la situation à l’ère de l’info non gratuite était meilleure. Mais, le danger que je dénonce c’est l’entre-deux : une info gratuite de mauvaise qualité, une info payante sous clé. Autrefois les gens finalement n’avaient pas le choix pour se socialiser un minimum que d’acheter un journal. Ce n’est plus le cas! Il leur reste le pire de l’info : du divertissement, de l’info superficielle, de la polémique, du vide.

      > Ce qui a évolué, c’est la répartition du budget médias-loisirs des ménages. Avec une part croissante dévolue aux abonnements internet fixe et mobile… qui donnent accès à de l’info gratuite, facilement de surcroît, partout, tout le temps. Sans parler des abonnements Netflix/Spotify etc, dont une majeure part du budget alloué provient de l’abandon des achats de CD et DVD. La part restante pour l’info payante s’est considérablement réduite.

      Oui, il y a certes des arbitrages budgétaires différents, mais pourquoi ? D’abord, la culture de l’info gratuite a fait des ravages en France (bcp moins dans les pays scandinaves par ex.). Ce sont les médias qui portent la responsabilité de cette braderie de leurs contenus pour un business publicitaire illusoire qui n’a servi que les géants. Par ailleurs, l’utilité globale des médias s’est effondrée car la plupart des services qu’ils procuraient et justifiaient un achat se sont envolés ailleurs : météo, petites annonces, mots croisés et jeux, infos locales gratuites etc. Les médias doivent aussi recréer de la valeur et ils retrouveront des lecteurs.

      La fin du modèle publicitaire est donc selon moi une mauvaise nouvelle pour la démocratisation de l’info, car ce modèle a permis de faire baisser les prix et a permis la démocratisation de l’info au XIXe s. Heureusement qu’il reste les aides à la presse, car s’il fallait payer l’info à son vrai coût de production, il n’y aurait que les sachants et les riches pour se les offrir. Reste que sans la pub, les journaux n’ont plus les moyens de se financer.

      Ce qui va se produire, c’est que l’Etat va continuer de se désengager de plus en plus, les médias vont augmenter leurs prix pour compenser et le lectorat se réduire de plus en plus à quelques-uns. Ne reste que le service public d’information qui doit améliorer sa qualité et sa diffusion.

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