Newsletter : les conseils clés pour la peaufiner et la monétiser

La newsletter est aujourd’hui l’outil de marketing incontournable. C’est un canal d’acquisition, de rétention et de monétisation particulièrement efficace. A condition de soigner le produit et le marketing.

Le vieil e-mail d’origine est toujours là. Dans les années 2010, on prédisait sa mort avec l’irruption des réseaux sociaux qui promettaient de le ringardiser. Mais l’avènement du smartphone dès 2007 a inversé cette tendance. L’e-mail personnel ou professionnel, disponible en permanence dans la poche, détrône souvent les notifications en termes d’attention et d’engagement.

Selon les chiffres de la DMA (Date et Marketing Association), 42,2 millions de Français possèdent une boîte mail, soit environ 70% de la population et 67% des internautes possèdent plusieurs adresses email. Les taux d’ouverture moyens entre 15 et 25%, sont immensément plus élevés que pour n’importe quel dispositif publicitaire en ligne, même si le spam nuit aux statistiques générales.

Pour les médias et les entreprises, l’e-mail est un lien précieux avec leurs clients, une manière de qualifier un minimum sa base utilisateurs et d’avoir des statistiques sur leurs usages. Une nécessité de plus en plus vitale à l’heure de la disparition progressive des cookies tiers (3e trimestre 2024 pour la suppression des cookies de Chrome).

Par ailleurs, avoir des informations sur les visiteurs est devenu particulièrement crucial pour les médias depuis 2017, date du pivot généralisé vers les modèles d’abonnement. Et l’e-mail est le moyen le plus efficace d’entamer une relation avec ses lecteurs jusqu’à la conversion.

1/ Réussir sa stratégie de newsletters : être désirable et pérenne

Ce succès dépend avant tout de la newsletter elle-même. Et, comme pour tout produit, il doit se situer à la jonction de trois paramètres selon le fameux diagramme de Venn : désirabilité, viabilité, faisabilité.

Le lancement d’un site, d’une application, d’un podcast ou d’une newsletter prend du temps. ce qui distingue souvent le succès de l’échec est la capacité à tenir dans le temps. Proposer un service constant, numéro après numéro, qui laisse au public le temps de s’habituer à votre contenu et de le partager. Il faut plusieurs années pour installer une marque et un produit, d’où la nécessite d’avoir un financement suffisant, pour tenir la distance.

S’agissant de la désirabilité, votre produit doit répondre aux besoins des lecteurs, qui dépendent des gens à qui vous vous adressez. C’est cela qui va déterminer votre mix éditorial et l’équilibre des sujets et rubriques, afin que la recette soit agréable pour votre ou vos cibles.

Cela implique de bien connaître vos publics cibles, leurs besoins, envies, préférences, leurs disponibilités, leurs modes de consultation (à la maison, au travail, en déplacement ou au petit déjeuner, en regardant la télé le soir ? etc.)

A l’instar de tout lancement éditorial, on commence donc par interroger ses futurs lecteurs et lectrices. Entretiens quanti/quali et analyse des statistiques des sites et applications. En prenant garde à ne pas placer en aval, ce qu’on a mis en amont (ex: gros trafic le matin, non pas tant parce que les gens sont plus demandeurs à ce moment, là que parce qu »on publie beaucoup plus à ce moment là).

Cette étape indispensable permet non seulement de définir son mix édito, mais également le ton et les formats qui doivent appuyer le positionnement choisi. Bien sûr, on aura été assez malins pour faire un petit benchmark préalable, afin de vérifier qu’on ne se lance pas sur le même créneau, avec le même produit, qu’une floppée de prédécesseurs. Réinventer la roue est assez frustrant, généralement 😉

2/ Les formats doivent être variés, proches, efficaces

Vient enfin le temps de réfléchir aux rubriques, aux formats, au style d’écriture et au ton. Bien sûr cela dépend là encore de votre public et de son niveau d’expertise du sujet abordé, de son bagage socio-culturel, de son âge, voire de son orientation politique.

Par exemple, si je veux lancer une newsletter « environnement », je ne produirais évidemment pas les mêmes contenus si je m’adresse à des lycéens urbains ou si je vise des agriculteurs de plus de 45 ans.

Le tutoiement, le décalage des rubriques, le design plutôt pop ou épuré… tout cela dépend du public prioritaire qu’on aura choisi. Attention, si vous avez plusieurs publics, ne cherchez pas à plaire absolument à tous, sans quoi vous risquez la neutralisation de toute aspérité.

Il y a toutefois quelques bonnes pratiques générales à retenir, quel que soit le public :

1. Apporter rapidement un bénéfice

Utilisez le moins de mots possibles pour expliquer les choses. Ne dites pas tout, mais suffisamment pour apporter un premier bénéfice. Le lien est là pour apporter les autres.

2. Adopter un ton proche et engageant

Sans aller jusqu’au tutoiement ou au « frérot », adoptez un ton moins descendant qu’un média classique. Les gens vous reçoivent chez eux, dans leur boîte e-mail considérée comme privée, voire intime.

3. Travaillez le rubricage pour favoriser la proximité

Vous pouvez être créatif, si c’est clair. Et apporter là encore un peu de décalage, un clin d’oeil.
Qui évite le rubricage froid et distant : à la une, les infos de la semaine etc.

4. Variez les formats et les longueurs

Alternez le long (selon la disponibilité du lecteur), les listes à puces, les citations, chiffres, photos légendées, sondage etc. On doit pouvoir glaner des trucs sympas/utiles, même en survol !

5. Soignez le design

Pas forcément besoin de choses complexes. Choix des couleurs, traitement homogène et différent des photos… Soignez aussi la lisibilité = aération, paragraphes courts et phrases d’attaque courtes.

3/ Bichonnez le marketing éditorial

1. Publiez votre newsletter au moment opportun

Il y a des usages moyens, et beaucoup d’exceptions. Faites attention aussi au contexte cognitif : sommes-nous mentalement disponibles pour une information longue et complexe le matin au petit déjeuner avant d’emmener les enfants en retard à l’école ? Allons-nous ouvrir un e-mail de loisirs en pleine après-midi en semaine, durant les horaires de bureau ?

Après, c’est tout l’intérêt des fonctions d’AB Testing que les outils nous survendent : faites des essais sur une partie de votre base. Vous pouvez aussi tester plusieurs horaires/jours au lancement de votre newsletter et demander leur avis aux lecteurs via un sondage. Ça montre combien vous les estimez.

2. Facilitez les partages et l’accessibilité

Proposez une « landing page » avec les archives précédentes (comme ce que propose substack nativement), proposez des partages et des inscriptions dans la newsletter (à plusieurs endroits)

3. Soigner les objets des e-mails

👉 Long et précis avec plusieurs sujets
Ce n’est pas grave si c’est coupé : l’important est d’en donner assez pour donner envie d’ouvrir.
Et respecter la, promesse (ne pas survendre sinon les taux d’ouverture s’en ressentiront plus tard)

👉 Court avec teasing / forte promesse

4. Affichez votre promesse et votre offre
Notamment sur votre « landing page » référencée sur Google, ainsi que sur chaque newsletter.

5. Faites des offres d’essai contextualisées

Proposez vos offres d’essai pendant une période riche en actualité, pour être en résonance avec les préoccupations de vos publics (ex. L’Equipe durant la Coupe du Monde de rugby) et valorisez votre traitement unique et pertinente d’un sujet).

6. Suivez les indicateurs statistiques pour optimiser votre infolettre

Ces statistiques vous permettent, si vous les étudiez en détail, de :

  • Suivre la progression des inscrits/abonnés (et comparer la vitesse de croissance)
  • Vérifier que la newsletter plaît toujours (taux de désinscriptions/churn)
  • Apporter des corrections éventuelles (sujets, traitement, rubriques)
  • Identifier les sujets qui surperforment, pour tâcher de s’en inspirer / de reproduire
  • Repérer les principaux canaux d’acquisition pour mettre le paquet sur ceux-là
  • Analyser les taux d’ouverture qui renseignent sur l’attractivité du sujet principal (titre)
  • Surveiller les taux de clics qui permettent de savoir quels sujets intéressent le plus (pour affiner la ligne au fil de l’eau, valider les sujets à creuser…)

Pour maintenir les performances dans le temps, trois conseils :

  • Soigner la promesse et le niveau de qualité au fil du temps (concis, précis, analytique)
  • Proposer des infos pratiques et utiles rapidement
  • Ajouter une pastille de plaisir. c’est comme le cartoon ou les mots croisés du journal

4/ Monétisation : soyez ambitieux mais réaliste

1. Modèle d’abonnement pur : combien sont près à débourser 3 à 5 euros/mois (quelle est la taille de votre bassin de lecteurs). Plus c’est B2B et spécialisé, plus c’est facile. De combien avez-vous besoin pour vivre ? Pour toucher 3000 bruts, il faut 600 abonnés à 5 euros.

2. Modèle de liens payants/publicitaire : il faut déjà avoir une base d’utilisateurs nombreuse. Plus la cible est généraliste, plus le nombre doit être élevé (plusieurs dizaines de milliers). Sur une cible très spécialisée et engagée, quelques milliers, voire centaines peuvent suffire.

3. Modèle freemium : combinaison des revenus d’abonnement et publicitaires, mais il y a de seuils d’audience sous lesquels vous n’intéressez ni les agences ni les annonceurs, selon le domaine et la rareté du public touché (ex. gros investisseurs patrimoniaux)

4. Modèle d’inbound : faire venir les clients par la visibilité que l’on génère. Le plus immédiatement exploitable, notamment avec les e-mails (mais attention au spam/RGPD

5. Modèle de dons : Petits médias “à causes”. Plus efficace que l’abonnement pour de petits médias via le « membership » et la communauté. On évite le risque de fatigue de l’abonnement.

6. Les diversifications. Probablement, la manière la plus efficace de gagner de l’argent avec les newsletters (ou avec les podcasts). La création d’une communauté permet d’en tirer des valorisations indirectes :

  • Evénementiel
  • Edition
  • Formations
  • Shopping

Ex : Les cryptos de Caro, de Caroline Jurado qui gagne sa vie via des conférences, formations, livres ou Bliss (à la fois un podcast, un blog, une newsletter, du shopping, des masterclass …).
👉 Ecoutez l’émission de Médiarama : comment monétiser son contenu sans publicité

Travaillez votre tunnel de conversion

Quel que soit votre modèle retenu, vous devrez d’abord faire connaître et apprécier votre newsletter avant d’en tirer une quelconque rétribution. Mais il faut pour cela, anticiper et avoir un plan.

  1. Voyez votre newsletter comme un business
  2. Adaptez votre prix à votre public, vos objectifs et vos offres
  3. Offrez des remises ou des promotions occasionnelles
  4. Développez une relation avec le lecteur (interaction et événementiel physique)

On mesure évidemment les investissements nécessaires pour un média. Pour mettre en place une stratégie de recrutement d’abonnés payants, il faut embaucher au moins un(e) data-analyste, un directeur audience et acquisition et un ou plusieurs chargés d’acquisition/rétention.

Le travail à réaliser est considérable, car il s’agit de tester toutes les offres, les écrans marketing sur les pages du site, de l’appli et sur les différents canaux : Google, réseaux sociaux, newsletter…

Sans parler du rôle décisif du chef de produit, qui est la courroie de transmission entre la rédaction, la technique et le marketing/régie. On voit apparaître aussi un nouveau poste : le chief revenue officer, chargé de vérifier la viabilité économique des projets, de surveiller au plus près les coûts et les rentrées.

De ce point de vue, dans le modèle d’abonnement, il y a deux indicateurs incontournables : l’ARPU (revenu par utilisateur) et la lifetime value (qui fait se calcul au long cours pour distinguer les utilisateurs les plus rentables). Pour les autres, ce peut-être tout simplement la marge brute / marge nette, qui mesure la rentabilité d’une activité ou d’un produit.

Dans tous les cas, la méthode pour progresser est celle du « test and learn ». Et j’ajoute « and share », car c’est en partageant ses découvertes avec toutes les équipes, éditoriales, marketing et commerciales, qu’on avance avec un objectif commun : satisfaire le client final et gagner de quoi financer son média.

Téléchargez mon support (pdf, 75 slides) présenté au salon La presse au futur le 6 décembre 2023

Cyrille FRANK

[Fondateur de Médiaculture, consultant, formateur, ingénieur pédagogique] voir mon cv plus détaillé

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