Les secrets de l’humour sur Twitter : pourquoi ça marche (ou pas)

Le toxique Twitter peut aussi être drôle. De l’humour noir au jeu de mots absurde, certaines publications sont des trésors d’esprit. Mais pourquoi certains tweets déclenchent le rire (mais pas chez tout le monde) ?

J’ai tenté d’analyser les différents messages qui me font rire , pour tâcher d’en comprendre les mécanismes. J’en ai décelé huit, dont voici les six principaux (le détail dans ma présentation pdf en fin d’article). N’hésitez pas à rajouter votre grain de sel en commentaire 🙂

1. Le contraste et la surprise : des chocs comiques efficaces

L’humour naît souvent d’un contraste brutal ou d’une rupture inattendue. Mélanger un vocabulaire soutenu à des expressions familières, ou conclure une phrase par une faute volontairement grossière, provoque une réaction immédiate.

Pour Bergson (Le Rire ): « L’humour naît souvent de l’inattendu, du brusque retour du sérieux au trivial. » Cette idée illustre parfaitement l’effet comique provoqué par l’effondrement de l’idéalisme dans le grotesque.

2. L’absurde : liberté et lâcher-prise cognitif

L’absurde, bien que moins universel, est une arme puissante. Il repose sur l’inadéquation totale entre les mots, les actes et les situations. Comme l’évoquent les Monty Python, ce type d’humour révèle une forme d’humilité face à l’absurdité du monde.

Ce qu’Albert Camus résumait bien par « Je tire de l’absurde, trois conséquences qui sont ma révolte, ma liberté, ma passion. » C’est précisément cette liberté qui transparaît dans les détournements absurdes de la réalité sur Twitter.

3. Les jeux de mots : poésie et burlesque

Les jeux de mots fonctionnent grâce à l’ambiguïté linguistique. Un mot glisse vers un autre, créant une antinomie absurde ou une image poétique inattendue. Parfois, la simplicité est reine : détourner des expressions populaires comme “voir le verre à moitié plein” pour proposer de le “boire” suffit à déclencher un sourire.

Aristote dans La Poétique valorisait l’ambiguïté volontaire qui permet de cultiver la connaissance dans un gai savoir. » Le jeu subtil entre les mots révèle souvent plus de profondeur qu’il n’y paraît.

4. L’humour noir : rire du malheur pour mieux l’affronter

L’humour noir est sans doute le plus clivant. Il touche aux sujets tabous, rappelant la souffrance ou la mort. Pour moi, il s’agit d’une conjuration du malheur. Rire de tout, même des choses graves, est une façon de les désamorcer, de leur retirer leur pouvoir.

Beaumarchais, adepte du rire critique, déclarait : « je me presse de tout, de peur d’être obligés d’en pleurer. » L’humour noir fonctionne ainsi comme une catharsis, permettant de prendre de la distance face aux tragédies.

5. La satire sociale et politique : une critique mordante

Les réseaux sociaux sont un terrain fertile pour la satire. Comme cette séquence ou Mathilde Panot s’emmêle les pinceaux pour tenter de justifier des modes de décision autoritaires chez LFI (il n’y a qu’un chef en réalité et c’est Mélenchon).

Mais la satire est drôle tant qu’elle ne nous vise pas. Jonathan Swift, maître de la satire, écrivait : « La satire est une sorte de miroir dans lequel les spectateurs découvrent généralement le visage de tout le monde, mais pas le leur. » Evidemment, les soutiens ou militants LFI ne trouveront pas ce tweet drôle, comme les fans de Macron n’apprécient l’humour qui touche leur chef.

Les détournements ironiques en ligne ne nous révèlent pas les réalités qui nous sont inconfortables.
Comme disait Coluche, en citant faussement Kant : « L’intelligence, on croit toujours en avoir assez, vu que c’est avec ça qu’on juge. »

6. L’auto-dérision : rire de soi pour désamorcer

Savoir se moquer de soi est une stratégie de défense imparable. Sur Twitter, les utilisateurs qui pratiquent l’auto-dérision désamorcent les attaques et renforcent la sympathie du public. L’exagération des défauts, la caricature de ses propres faiblesses créent une forme d’humanité partagée qui rassemble.

Nietzsche affirmait : « L’homme souffre si profondément qu’il a dû inventer le rire. » L’auto-dérision est précisément ce mécanisme qui permet de transformer la souffrance en force.

En conclusion : pourquoi rions-nous ?

L’humour est un langage universel, mais les ressorts varient selon les sensibilités. Que ce soit à travers l’absurde, la satire ou l’humour noir, chaque éclat de rire est une petite victoire sur l’absurdité de l’existence. Encore faut-il lâcher prise un minimum, se résoudre à la vacance momentanée de notre raison, et s’avouer un instant notre humilité face au monde et à la mort. Et vous, qu’est-ce qui vous fait rire ?

Dans la présentation ci-contre, tous les exemples détaillés et explicités :

Cyrille Frank

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