La fracture numérique et informationnelle s’accentue. Il y a des mesures urgentes à prendre en matière d’information, notamment en télévision.
20 décembre 2019. Selon ce baromètre paru le 27 novembre 2019, nous assistons à une bipolarisation de la société française.
D’un côté les catégories sociales favorisées, instruites et de niveaux de revenus supérieurs qui tirent bon profit des nouvelles technologies de l’information. De l’autre les moins instruits qui accentuent leur décrochage informationnel et socio-économique, comme je l’explique en détail dans ce décryptage.
Il ne faut pas s’étonner dès lors de la méfiance croissante de ces Français vis à vis des nouvelles technologies. Ce sont eux – profil typique des “Gilets jaunes” – qui pâtissent le plus de la mondialisation et de l’évolution des usages à la fois privés et professionnels.
On assiste donc donc bel et bien à la fin des utopies de l’accès à tous à l’information et de la concorde mondiale. Alors, comment réconcilier ce public avec l’information ?
1. FAIRE BEAUCOUP PLUS DE PÉDAGOGIE EN TÉLÉVISION
Cela est souhaitable a minima dans les programmes d’information du service public. Ne pas succomber à la simplification par occultation ou déformation ou par peur d’ennuyer et de voir le téléspectateur zapper sur la chaîne concurrente.
Ceci implique de favoriser des formats accessibles et ludiques : infographies, vidéos dynamiques sous-titrées, jeux, quiz, newsgames…
Et si possible faire des renvois sur mobile, puisque après la télévision, le smartphone est le support le plus consulté par ces publics (71% des faiblement diplômés) et (98% des 18-24 ans, tous niveaux confondus !).
Ce conseil est valable pour tous les producteurs de contenus qui souhaitent s’adresser au plus grand nombre. Il faut vraiment simplifier la forme, sans sacrifier le fond.
Cela commence par une écriture simple, avec des mots et tournures accessibles, des phrases courtes, une structure claire et progressive de l’information.
2. RÉINVENTER LE JT
D’abord faire moins, mais faire mieux. Aborder moins de sujets, mais les approfondir. Les clés de compréhension : chiffres clés et ordres de grandeur, contextualisations historiques, vérifications des déclarations des parties prenantes, enquêtes sur la réalité des faits.
Le JT doit cesser d’être le passe-plats des communicants de tous bords et en particulier du gouvernement. Et les journalistes politiques être beaucoup moins révérencieux aux heures de grande écoute et sur les missions les plus regardées (et donc les plus contrôlées par les communicants politiques).
Cette mutation nécessite la fin de la tutelle d’Etat historique de l’audiovisuel public. Actuellement les patrons des chaînes publiques sont nommés par le CSA dont le président est désigné par le chef de l’Etat, et trois membres sur six par le parlement, ce qui revient au même actuellement.
3. ARRÊTER LE STORY-TELLING OUTRANCIER
Il faut cesser de fabriquer de belles histoires qui déforment la réalité, pour faire rêver le chaland et lui procurer des « émotions ».
Que l’information procure des émotions, certes. Qui peut rester insensible à un reportage sur les migrants ou aux difficultés des femmes battues ? Mais cette narration ne doit pas être complaisante, pour nous tirer des larmes et nous divertir de nos difficultés, au sens premier : faire diversion.
Il est important aussi de veiller à bien narrer les histoires, à valoriser le fond par une immersion efficace dans le récit. Mais c’est un équilibre délicat qui ne doit pas basculer dans la fiction pour les besoins de l’audimat (cf. les story-telling pré-fabriqués, les courses aux records et la survalorisation de l’émotion par les animateurs de Stade 2)
4. REDONNER DE L’IMPORTANCE AUX VRAIS EXPERTS
Ceux qui maîtrisent leur domaine, et sont reconnus par leurs pairs. Pas le « bon client », qui « vend bien le sujet », parce qu’il met beaucoup moins de nuances que l’universitaire, et s’exprime mieux.
C’est le rôle du journaliste de reformuler, et cela est possible en télévision aussi. Il faut aussi éviter l’écueil de l’éditorialiste déguisé en expert, ou syndrome « François Lenglet ».
C’est ce qu’explique très bien Jean-Marc Jancovici dans cette émission de France Culture, avec, hélas, plus d’acrimonie que de pédagogie.
D’une manière générale, il faut arrêter de mélanger faits et commentaires ! Comme le dit très bien Maxime Loisel de Datagif :
« La question de la frontière entre information et opinion a toujours été un point de tension non résolu dans le journalisme. Mais contrairement aux États-Unis où les deux sont généralement très séparés dans les rédactions, la question ne semble pas tellement faire débat en France. »
5. EN FINIR AVEC LES POLÉMIQUES ET LES COMBATS DE COQS
Plutôt que mettre les opposants autour d’une table qui vont s’étriper publiquement pour “l’emporter”, pourquoi ne pas mettre en avant ce qui fait consensus auprès des experts indépendants ? Et évoquer ensuite ce qui mérite encore examen ou n’est pas vraiment tranché ?
Que les politiques réagissent dans un second temps, pourquoi pas. Mais s’ils contestent la réalité des faits, ils devront être remis à leur place. On ne doit pas débattre du fait que la Terre est ronde.
Il faut aussi cesser d’inviter et donner de la visibilité à ceux qui n’apportent rien d’autre au débat public que de la division, fondée sur des mensonges. En particulier de la part du service public d’information.
6. OFFRIR DU FACT-CHECKING EN TEMPS RÉEL EN TÉLÉ (ET SUR LE WEB)
Surtout lors des débats politiques, car certains politiques mentent éhontément sur les chiffres, et disent n’importe quoi.
Or, si la vérité est rétablie le lendemain dans les journaux, le menteur est toujours gagnant, car le différentiel d’audience joue en sa faveur. 10 millions de téléspectateurs manipulés, 100.000 seulement qui comprendront le lendemain que c’est faux.
7. ECOUTER DAVANTAGE LES GENS
Sans forcément leur donner raison, ni tomber dans la démagogie. Mais pour restaurer la confiance, il faut commencer par écouter.
Cela permet de mesurer les incompréhensions, pour savoir où porter l’effort éditorial et de sentir les mouvements de société.
D’où mon article de 2013 : il faut garder les commentaires, surtout les plus stupides !
D’ailleurs, plus souvent qu’on ne le croit, le peuple dit des choses vraies. Avec ses mots non-savants, il est parfois le seul à dire que le roi est nu (comme sur la taxe carbone qui est une solution injuste socialement à un vrai problème).
8. ETRE BEAUCOUP PLUS INTERACTIF
La télévision en particulier, grâce aux nouveaux outils, doit se réinventer pour proposer beaucoup plus d’interaction. Et ne pas se contenter d’un hashtag à l’écran qui renvoie sur un site web ou une appli unidirectionnels.
La conjonction des messageries vidéo sur smartphone, d’un dispositif de projection écran de type Apple TV, Chromecast ou via les box, permet de faire facilement des interviews télévisées retransmises en télévision, via le câble HDMI. Merci à Etienne Grisel ex-France TV, pour l’idée et la démonstration.
Si la télévision publique ne s’en empare pas, ce sont les plateformes qui le feront. Je les invite à s’intéresser de près à Portal de Facebook, qui en partant de l’outil de conversation familial, est en train d’y connecter des briques de contenus…
9. PROPOSER UNE VISION PLUS ÉQUILIBRÉE DU MONDE
Cela passe par un journalisme plus constructif, qui promeut des initiatives ou des solutions pour répondre aux problèmes soulevés. L’idée n’est pas de produire une vision édulcorée du monde, mais de proposer quand c’est possible, des solutions ou de mettre en valeur des initiatives efficaces.
Non, le monde ne s’intéresse pas qu’aux trains qui arrivent en retard. Sans tomber dans une représentation aseptisée de la réalité, on peut éviter l’excès de négativisme ambiant.
Celui-là même qui conduit de plus en plus de monde à éviter des news déprimantes, car elles consacrent notre impuissance devant l’inéluctable malheur du monde.
10. AGIR DAVANTAGE ET DONNER LES MOYENS D’AGIR
Les médias doivent aller quelquefois au delà de leur mission d’information, s’ils veulent retrouver le crédit et l’affection des lecteurs.
C’est ce qu’a fait – avec succès – La Montagne auprès de la SNCF pour forcer l’entreprise publique à débloquer des moyens (deux milliards d’euros !) pour améliorer la fiabilité et fréquence de la ligne Intercité Paris/Clermont-Ferrand.
Cela peut vouloir dire aussi contribuer à la mobilisation du public et des politiques pour des causes justes et importantes. L’esprit associatif de l’UFC qui imprègne le magazine Que Choisir pourrait être reproduit sur d’autres sujets que la consommation.
Les médias ont un rôle à jouer dans la cohésion sociale en ces temps troublés. La télévision en particulier doit évoluer de manière radicale, si elle veut permettre aux plus fragiles de raccrocher les wagons.
Le défi n’est pas facile, et il passe après l’école et l’accompagnement socio-économique des populations les plus fragiles.
Mais il n’en est pas moins incontournable, pour retisser ce pacte social républicain qui se délite auprès d’une partie croissante de nos concitoyens.
ET VOUS, QUELLES MESURES VOUS PENSEZ QU’IL FAUT PRENDRE POUR ENDIGUER CES INÉGALITÉS FACE À L’INFORMATION ? PARTICIPEZ À LA RÉFLEXION !
11. FAIRE DE L’ÉDUCATION AUX MEDIAS A L’ECOLE
Pour Carine Gouriadec, il est urgent de faire un effort d’éducation dans les cursus scolaires :
« Perso j’insiste sur l’urgence d’une #education au #numérique dans les cursus scolaires : être #digitalnative n’est pas une fin en soi ! Lecture production & relais de l’information doivent être accompagnés »
Serge Dielens va dans le même sens et propose que la formation des professeurs et de tous soit adaptée aux nouvelles technologies :
« J’abonde dans le sens “re-valorisation des acteurs de l’éducation”. La formation initiale des enseignants et des parents pourrait avantageusement être reconsidérée en fonction des technologies actuelles (qui peuvent aussi, bien sur, être utilisées dans la vie quotidienne et pour le délassement)… »
Cyrille Frank
Journaliste, formateur, consultant
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L’éducation aux médias est un mythe récurrent depuis 50 ans et les profs ne sont pas compétents sur le sujet (http://www.exergue.com/h/2005-07/medias/faute02.html), sans parler de la « fracture » mise à toutes les sauces ces derniers temps.
Bonjour Jacques,
Votre article en lien, qui est loin d’être inintéressant, n’en est pas moins hors-sujet. Que Bourdieu par son opposition à la télévision ou aux journalistes soit élitiste, cela importe peu. Ce qui est important – et constitue l’objet de cette réflexion – c’est d’améliorer la qualité de la télévision qui reste l’outil d’information principal des Français. Tâche certes difficile, mais qui est loin d’être impossible, me semble-t-il.
Vous dites : « Il ne faut donc pas considérer un article ou une séquence du journal télévisé, mais toute la série de reportages, d’interviews, d’enquêtes, de démentis concernant un fait précis, voire un ensemble de faits équivalents. Le tout constitue une image contrastée qui permet de faire le tour du sujet en donnant les différents points de vue. »
Je pense que le fait de donner les différents points de vue n’est précisément pas ce qu’il faut faire. Il faut renoncer une fois pour toute à cette illusion hypocrite de neutralité, qui masque une lâcheté et/ou une fainéantise intellectuelle. Il faut d’abord expliquer, décrypter les faits et éventuellement débattre sereinement de ce qui relève de choix philosophiques et politiques (c’est la même chose en réalité).
Enfin, sur le fait que les profs ne soient pas bien placés pour faire de l’éducation aux médias, c’est possible (encore que j’en connaisse de très compétents), mais il nous appartient d’envisager les moyens de pallier ce problème (soit en formant les profs, soit en travaillant avec des journalistes etc.).
La notion de « fracture » n’est pas neuve en effet et a très bien servi les desseins politiques de Jacques Chirac en 1995, encore qu’il s’agisse de fracture numérique ou informationnelle aujourd’hui, et non plus sociale. Mais, le fait que ce terme soit à la mode ne le disqualifie en rien, bien au contraire ! Sinon le respect de l’environnement devrait être banni de nos discussions.
Il y a une urgence sociale, éducative en économique et médiatique à éviter la dissolution de notre société et de notre pacte social. A mon niveau, je me contente de réfléchir à la partie médiatique qui se situe très en aval du problème. Les difficultés des médias sont paradoxalement peut-être l’opportunité d’améliorer les choses sur ce plan.
Cordialement
Merci de votre réponse, mais j’ai quand même des doutes sur les améliorations.
Un point d’histoire: l’idée qu’il n’y a pas de neutralité n’est pas neutre. C’est une vieille idée stalinienne qui signifiait que le parti avait toujours raison, et qui s’est perpétuée comme une sorte de légende urbaine déconnecté de cette seule réalité.
De même que la position de Bourdieu, non élitiste, mais incompétente, est précisément fondée sur l’illusion de son époque où la télévision (une chaîne) éduquait les masses. Mais c’était confié à effectivement une toute petite élite (10% de bacheliers à l’époque), incompétente donc, dont l’idéal était par exemple le roman national avec « Les rois maudits », sorte de sous-Stéphan Bern.
Le véritable problème est évidemment la course à l’audience. Elle ne peut être gagnée par personne quand il y a des dizaines de chaines. Il suffirait donc que chacun fasse ce qu’il estime être de la qualité et qu’il se contente du résultat. Mais ça ne dépend pas forcément de la télé. Les auteurs et les journalistes vont vers l’argent. Et ça dépend plutôt des subventions aux spectacles de masse comme le sport et les grands spectacles populaires.
La réalité actuelle de la culture souffre d’un certain doute sur la légitimité des oeuvres contemporaines. Avec la fin de l’élite culturelle minuscule qui faisait illusion, tout s’est un peu dégonflé. Comme dans la chanson de Brassens « Le grand Pan » (https://www.youtube.com/watch?v=SaKeQjjzExA), Malraux est toxicomane et pilleur d’antiquités.
Bonjour Jacques,
J’ai moi-même des doutes, mais cela ne m’empêche pas de réfléchir et de continuer à croire quand même. Sinon autant rentrer dans le rang des égoïstes, abandonner ce qui fait la grandeur de l’homme et se contenter de profiter de sa courte existence, sans se soucier du reste, comme on me le conseille bien souvent.
Staline a dit bien des choses fausses pour assoir son sanguinaire pouvoir, mais la neutralité n’existe pas, c’est un fait. Tout le problème découle de ce qu’on déduit de ce fait. Je pense pour ma part qu’il faut cesser de tenir cette posture intenable, et qu’ilvaut mieux dire d’où l’on parle. Je pense aussi que tout est idéologie et je rejoins en cela Yuval Arari dans son premier brillant touvrage « Sapiens ».
Ce terme d’idéologie est connoté négativement, mais si vous le remplacez par philosophie, c’est exactement la même chose. Quand vous tirez le fil des idées de chacun, vous arrivez à quelque chose d’indémontrable : la foi en quelque chose. En la bonté humaine (ou son contraire), en la liberté de l’homme (ou son aliénation), en la rationalité (ou l’absurdité), en l’aléatoire (ou le déterminisme), en Dieu (ou la matière)…
Bourdieu estimait surtout que la télévision déformait les masses, c’était un farouche opposant à cette lucarne décérébrante. Et en effet, il avait une vision élitiste malgré son discours contre l’élitisme, c’est son principal défaut. Mais moindre à mon sens que Dominique Wolton qui à force de chanter les louages du téléviseur a minoré gravement ses défauts. Aujourd’hui ce même fou se trompe une nouvelle fois en vitupérant cette fois Internet et les réseaux sociaux qu’il a négligé, méprisé et qu’il ne connaît pas du tout aujourd’hui.
Les auteurs et journalistes ne sont en rien responsables de cette course à l’audience qui est en train de prendre fin d’ailleurs.
Ce sont les propriétaires de ces médias, des industriels, banquiers et financiers qui en sont comptables, car ils veulent rentrer dans leurs fonds ou limiter leurs pertes. Elle est en train de prendre fin, car d’une part les concentrations sont arrivées à une stabilisation des rapports de force (la fragmentation des audiences et des chaînes masque le fait qu’elles appartiennent à peu de groupes en réalité), d’autre par le modèle économique dominant est désormais celui de l’abonnement (pas encore pour la télé, mais ça va venir).
Reste le service public, et c’est là qu’il y a des choses à faire, à commencer par couper le cordon d’état pour proposer un modèle paritaire avec des représentants de l’Etat, des médias et des citoyens, comme le board of conselors de la BBC. Je crains que la culture autoritariste de notre actuel président soit aux antipodes de cette tendance. Mais, ni lui, ni ses successeurs ne pourront longtemps contenir la révolte qui monte contre ce mépris et cette injustice socio-économique par calcul politique.
Quant à la culture populaire versus contemporaine… si on se contentait déjà d’informer correctement, ce serait bien. L’art contemporain est entré selon moi depuis un moment dans le giron de la finance qui l’a totalement corrompu (cf banane scotchée à 120000 dollars). Mais, après tout, avec de l’instruction et de l’imagination, on peut éprouver toute sorte d’émotion artistique, comme l’envol contrarié d’un sac plastique dans cette incroyable scène de « Américan Beauty ».
Au revoir
Bonjour Cyrille, merci pour ces brèves suggestions en prise avec des enjeux socio-politiques inhérents au paradigme numérique ; pour ma part je m’associerais pas fracture numérique et fracture informationnelle de manière aussi nette ; les dispositifs info-communicationnels nativement numériques comme les réseaux sociaux ont par exemple montré leur forte capacité mobilisatrice et organisationnelle au service de mouvements sociaux comme les Gilets Jaunes que vous évoquez, favorisant son émergence et sa diffusion sociale.
À cet égard cette population ne représenterait pas l’illustration d’un cas inclus dans la problématique de fracture d’accès et d’usage des services numériques comme on peut l’observer en partie dans le phénomène de l’illectronisme.
En revanche, l’enjeu de l’outillage permettant d’acquérir de la méthode et des réflexes pour développer une posture critique face à des thèmes cognitifs comme la post-vérité, les fake news, les biais,…représente à mon sens et comme vous le soulignez un chantier majeur.
Marc
Bonjour Marc, et merci pour votre commentaire,
Vous avez raison, mais il faut s’entendre sur ce que j’appelle « fracture numérique ». Je n’y entends pas que l’inégal accès au réseau ou aux outils, même si 14% de Français ont du mal à accéder à de la bande passante mobile du fait de leur relégation dans des zones non couvertes). On voit aussi que les moins diplômés sont globalement les moins connectés à tout, hormis à la télé et les moins équipés.
Une bonne part des « Gilets jaunes » se retrouve donc plutôt dans la population des faiblement diplômés, titulaires du BAC au plus. Les non diplômés étant eux, souvent absents y compris des réseaux sociaux (33% contre 72% pour les titulaires du BAC).
Mais, J’entends surtout la différence d’usage de ces outils numériques. Comme je l’explique dans mon article sur « Les instruits toujours mieux informés, pour les autres il y a Facebook et Hanouna », la fin du modèle gratuit de l’info financé par la pub, accentue l’inégal accès aux sources fiables et profondes d’info.
D’où mon propos sur la nécessité de porter d’abord l’effort sur la télévision qui est le canal le plus consulté par les catégories vulnérables de la population (moins instruits et plus âgés).
La fracture numérique ne se matérialise pas que dans l’accès aux outils, mais dans ce qu’on en fait ! Mais je crois que nous sommes d’accord dans le fond 🙂
Bien cordialement
Merci Cyrille,
Oui, c’est intéressant de poser le curseur sur la nature de l’usage des dispositifs médiatiques numériques ; en écho à votre argumentaire, je pense davantage à une fracture éditoriale non nécessairement en lien avec la médiation numérique, c’est-à-dire des lignes de fracture formant des clivages sociaux à l’instar de ceux qui délimitent par exemple le lectorat de Télérama de celui des tabloïds.
Hors sources, je dirais que les canaux numériques permettent peut être de mieux observer et mesurer plutôt que d’avoir une influence sur l’évolution et les expressions de ces clivages anciens me semble-t-il ) ; phénomène de fractionnement dont vous pointez avec pertinence les problématiques s’y liant, à la lumière des recompositions médiatiques et éditoriales contemporaines.
Dans ce cadre, la mission de service public de la France Télévisions s’inscrit sans doute désormais dans une stratégie de reconquête des audiences en se redéfinissant comme la marque du service d’information et de communication audiovisuelle des communs et en investissant à part égale tous les canaux.
Bien à vous, )
Merci à vous Marc,
C’est corrigé ! Votre commentaire était allé en spam (mystère), je l’en ai fait sortir 🙂
Oui, bien sûr, les technologies révèlent plus qu’elles ne créent les clivages sociaux-culturels.
Toutefois l’écart lui, se creuse par l’accélération des usages qui profite aux plus instruits.
Le mécanisme n’a rien de nouveau, mais la vitesse d’évolution accentue le décrochage, y compris des classes moyennes. A peine le temps de maîtriser l’outil informatique pour faire un CV, que celui-ci passe désormais par Linkedin qui suppose la maîtrise de bien d’qutres compétences comme le réseautage, la capacité à s’exprimer et produire du contenu intéressant… et la confiance développée depuis le plus jeune âge par un environnement lui-même confiant, car à l’abri du risque.
Alors certes, ces outils sont aussi de formidables instruments d’ascension sociale pour les pépites qui parviennent à force de volonté et de travail à en maîtriser seuls les arcanes. Mais cela reste des exceptions.
Vous avez raison de dire que le numérique n’est pas responsable en premier lieu des inégalités anciennes liées à des clivages socio-culturels tel que le niveau d’instruction, le capital culturel et économique.
Mais ils les accentuent, par l’accélération Exactement comme dans une lasse, quand le prof va à toute vitesse pour boucler son programme. Seuls les bons élèves peuvent s’adapter, les autres décrochent encore plus.
A bientôt !