Formations à distance : cinq conseils clés pour maintenir une attention soutenue

Les formations à distance sont devenues la norme, Covid-19 oblige. Au delà de cette crise, elles vont se développer durablement, car preuve est faite de leur efficacité, sous certaines conditions.

La fin des formations présentielles a donné un coup d’accélérateur formidable aux formations à distance, seule solution possible.

Ce n’est qu’une accentuation d’un mouvement entamé il y a plusieurs années, même si la France était plutôt en retard par rapport à ses homologues européens, sur ce plan.

Je pratique les formations distantielles régulièrement, pour les médias (France TV, Radio-France etc.) et nos étudiants en alternance. Voici les leçons que j’en ai tirées.

Des avantages incontestables sur le présentiel
  • C’est un gain de temps pour les salariés qui n’ont pas à se déplacer, une denrée de plus en plus précieuse pour nos agendas surchargés.
  • C’est donc une économie pour les entreprises : pas de frais de transport, ni d’hébergement.
  • C’est une plus grande souplesse d’organisation par la même occasion, par la moindre logistique qu’elle mobilise.
  • Le distanciel permet une plus grande séquenciation de la formation qui participe de l’efficacité pédagogique, ce qui facilite l’assimilation progressive des connaissances / savoirs-faire appris.
  • Il permet un suivi plus individualisé, grâce aux statistiques d’usage et de réussite des stagiaires qui permettent d’affiner sa pédagogie au fil de l’eau.
Conseils : pour maintenir l’attention, il faut préparer encore plus
1. Disposer des bons outils

Pour nos formations à distance aux étudiants ou aux journalistes des médias nous employons une plateforme d’échanges en ligne (MOODLE) et un outil de Visio-conférence (Zoom que nous avons trouvé  fiable, simple et très souple d’usage). Plus un compte WhatsApp, pour le lien individuel avec les élèves durant les exercices.

2. Bénéficier d’une bande passante suffisante

Et ce, des deux côtés : formateur et apprenants. Ce qui peut poser problème d’emblée, étant donné l’inégalité géographique en ce domaine. Ci dessous le taux d’équipement à la fibre ou au câble de la population française (en %) – Rapport Arcep/Credoc 2019 :


Il est important que la connexion video soit bonne, car le formateur doit voir les personnes qu’il forme via la video. C’est indispensable pour pouvoir lire et interpréter les signaux d’attention ou mécompréhension éventuels du public, et adapter éventuellement le cours, en retour.

3. Adapter le déroulé des cours

D’abord, idéalement, il faut programmer des sessions par demi-journées, pas plus.
Cela permet d’ailleurs d’étaler la formation dans le temps, ce qui n’est plus mal d’ailleurs en termes pédagogique, comme on l’a vu en introduction.

Ensuite, les séquences en visio-conférence ne doivent pas excéder 40 mn, pour les aspects théoriques et les corrections d’exercices. Des exercices réguliers chez soi, progressifs : du plus simple et court au plus complexe et long. Cela implique aussi de ne pas former des groupes de plus de huit personnes en distantiel, si l’on veut préserver l’interactivité, avec une correction à la fois individuelle et collective des exercices.

Rien de différent avec ce que l’on pratique déjà en présentiel, mais la formation à distance nous oblige à plus grande rigueur de conception en amont sur cet aspect.

Cela implique un conducteur assez précis, tout en gardant la possibilité d’adapter le déroulé aux besoins et difficultés des élèves. Equilibre assez complexe pour veiller à garder un certain rythme, mais sans épuiser ses élèves.

Enfin, il faut aussi penser à prévoir des pauses régulières durant lesquelles on ne demande rien, on se repose simplement.

A l’ESJ PRO, nous utilisons aussi un outil de messagerie (ex. WhatsApp), via lequel les stagiaires peuvent joindre le formateur pendant qu’ils réalisent leurs exercices, pour le cas où ils seraient bloqués (sur un exercice technique de data-journalisme par exemple).

4. Soigner la relation autant que le contenu

Comme l’a démontré Paul Watzlawick dans les années 60 aux Etats-Unis, toute communication est un mélange de ces deux aspects. Il faut d’abord soigner la relation, canal essentiel, pour pouvoir véhiculer des données, sinon la réception se fait mal.

C’est un peu équivalent à la fameuse « fonction phatique » du langage de Jakobson (le « allo » qui établit la conversation téléphonique et signifient que chacun est sur « la même longueur d’ondes », prêt à discuter).

Cela signifie qu’il ne faut pas supprimer, ni écourter trop les séquences informelles ou l’on se présente, ou l’on échange aussi éventuellement sur la manière dont se passe notre vie personnelle.

Cette séquence crée le lien, l’atmosphère de confiance indispensable à la bonne écoute et donc l’efficacité de la formation. Ce n’est pas du temps de perdu, c’est un investissement utile, à condition bien sûr que cela ne dure pas non plus trois heures.

5. Recueillir un maximum d’informations en amont de la formation

Plus que jamais il est nécessaire d’avoir une vision la plus précise possible du public formé : son niveau initial, ses attentes, l’usage prévu des connaissances visées. Mais aussi de l’entreprise : contexte global,  motivation à former ses collaborateurs, outils utilisés…

Cela signifie être capable de mener en amont des questionnaires précis (parfois des tests ou QCM) et autres entretiens avec les ressources humaines et la rédaction en chef.

E-learning : des limites et inconvénients incontournables 
1. La formation à distance ne convient pas à tous les apprentissages

Impossible d’apprendre vraiment les « savoir-être » à distance !
Il me paraît utopique par exemple d’apprendre le management par ce biais. Je ne vois pas bien comment on pourrait organiser numériquement la mise en pratique qui passe par des jeux de rôles.

Le maniement de logiciels ou matériels complexes sont compliqués à réaliser à distance, comme la prise de vue photo/video ou le montage video.

Pas impossible, sous certaines conditions, mais cela restera toujours moins bien qu’une présence physique du formateur. En présentiel, celui-ci a la possibilité de débloquer/corriger rapidement un stagiaire en difficulté, en passant derrière lui.

2. Le 100% écran est usant pour les stagiaires et le formateur

A la fatigue visuelle physiologique classique, qui peut-être accentuée par des problèmes de connexion, s’ajoute l’aspect psychologique.

Nos échanges habituels sont en grande partie non verbaux comme l’ont bien montré les chercheurs de l’école de Palo Alto. Notre corps exprime autant de choses, voire plus, que les mots que nous employons.

Or, cette dimension disparaît avec l’outil de visioconférence. Les expressions du visage, mimiques, postures qui indiquent l’intention derrière nos propos sont plus difficilement identifiables, surtout s’il y a un grand nombre d’interlocuteurs dans un même écran et que la taille des visages est d’autant plus réduite.

Les silences sont un autre défi en visio-conférence. Dans l’environnement physique, ce sont des respirations nécessaires qui servent même beaucoup à l’animateur, notamment pour créer de l’emphase – et de l’attention particulière – sur un point clé.

Dans les visio-conférences, les silences créent plutôt un malaise, une forme d’angoisse, comme le relève Gianpiero Petriglieri interrogé par la BBC.

Sans oublier la dissonance cognitive épuisante, même si inconsciente, entre des signaux contradictoires : présence de l’esprit, absence du corps.

L’avenir sera de plus en plus au « blended »

Les formations hybrides qui proposent à la fois du présentiel et du distantiel seront la norme probablement demain. Car c’est un mélange de ces deux modalités en synchrone et a-synchrone qui donne les meilleurs résultats sur le long terme.

La numérisation des formations va s’accentuer et s’accélérer comme en attestait déjà le baromètre CEGOS 2018, voir ci-dessous :

Il y a une complémentarité chronologique : réunir physiquement les apprenants à des moments clés pour lancer la communauté qui peut vivre ensuite en mode asynchrone. Loin de l’utopie des Mooc, autonomes et froids très peu suivis jusqu’au bout.

Par ailleurs, le présentiel évolue elle aussi sous l’impulsion de la réforme professionnelle et des besoins des entreprises, avec le développement de l’action de formation en situation de travail (AFEST)

Ce dispositif encore plus opérationnel est une bonne chose, et d’ailleurs, comme monsieur Jourdain, je le pratiquais déjà au sein de rédactions depuis longtemps.

Conclusion

L’expérience contrainte du confinement a montré que le distantiel peut être d’une grande efficacité pédagogique, s’il est bien réalisé. Mais distantiel-présentiel, synchrone-asynchrone… les parcours de formation doivent surtout être adaptés aux objectifs, aux publics, aux ressources de chaque client.

Cyrille Frank

Journaliste, formateur, consultant

Ma newsletter hebdo gratuite

Sur Twitter
Sur Facebook
Sur Linkedin

 

A LIRE AUSSI :

Crédit photo : Ridofranz

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *