La crise de confiance vis-à-vis des médias se creuse dans le monde, ainsi que les inégalités de maîtrise de l’information

Le baromètre Edelman 2021 montre que la crise de confiance des citoyens en leurs institutions – et les médias en particulier – s’accentue. Le rapport traduit aussi des disparités fortes dans la qualité « d’hygiène informationnelle » des publics.

Le 21e baromètre de confiance Edelman est paru le 15 janvier 2022. Cette vaste enquête mondiale analyse la confiance des populations en leurs institutions. Elle a interrogé pas moins de 33 000 personnes dans 28 pays. Voici ci-dessous un développement de mon thread publié sur Twitter.

En matière d’information, la confiance est au plus bas, quel que soit le canal : médias traditionnels, moteurs de recherche, réseaux sociaux, médias d’entreprise… Les moteurs sont en surplomb (neutralité apparente, liée à l’opacité des algorithmes ?)

Les médias sont perçus comme partisans (61%), orientés idéologiquement (59%), et les journalistes sont considérés comme cherchant à tromper le public (mensonges, exagérations) pour 59% des répondants.

Une minorité de citoyens a une bonne « hygiène informative » (26%) : vérifient ce qu’ils lisent, ne partagent pas sans lire avant, évitent de tomber dans les « chambres d’écho » (les polémiques futiles etc.). C’est aussi ce que je constate tous les jours sur Twitter.

Ceci montre l’immense responsabilité des médias traditionnels – en particulier audiovisuels – dans cette défiance, bien au delà des fakes news diffusées par les réseaux sociaux ou des puissances étrangères dénoncés dans le rapport Bronner.

Le fossé se creuse entre ceux qui s’informent correctement – selon les critères d’hygiène informative décrits plus haut – et les autres. Il y a vingt points d’écart en France, l’un des plus élevés au monde avec l’Australie et l’Afrique du Sud. Mais l’écart moyen reste de 16%.

Le rejet des vaccins est partagé par nombre de citoyens de tous pays, même si la France est en tête des plus défiants avec la Russie et l’Afrique du sud. Les multiples scandales médicaux en France depuis 30 ans n’y sont sans doute pas étrangers.

Il faut se rappeler des scandales Médiator, Distilbène, sang contaminé… qui ont marqué la France et contribué à éroder durablement la confiance en notre système sanitaire (sans parler des visiteurs médicaux)

Mais comment ne pas voir, là encore, la responsabilité des médias audiovisuels qui continuent d’inviter des Didier Raoult et autres escrocs en mal de reconnaissance, pour doper leurs audiences, leurs revenus, au détriment de la santé publique ?

Surtout quand la télévision représente le principal canal d’information du public français (à 48%), comme en atteste le baromètre Kantar-La Croix 2022.


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Finalement, l’entreprise reste la source d’information la moins touchée par la défiance. On croit davantage son employeur que l’Etat ou les médias.

La défiance en les institutions se nourrit d’une angoisse généralisée accentuée par la crise sanitaire. Et en premier lieu, la peur de perdre son job, devant le changement climatique ou la peur d’attraper le virus.

Ce que n’évoque pas cette enquête, c’est combien la défiance est corrélée à des critères socio-économiques. C’est ce montrait le rapport de la fondation Jean Jaurès. Les plus poreux aux théories du complot sont aussi les moins diplômés et les plus fragiles économiquement.

Le rejet des sources d’information traditionnelles est avant tout une question politique, avant d’être une question cognitive. Il y a derrière ce problème la question de l’aggravation des inégalités socio-économiques. Les perdants de la mondialisation – en particulier les jeunes à faible niveau de revenus – sont aussi les plus en colère contre les « merdias », comme en témoigne la révolte des Gilets jaunes.

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Et naturellement, les mouvements politiques aux deux extrêmes de l’échiquier politique tâchent d’exploiter ce rejet, en se présentant comme des « anti-système ». La percée d’Eric Zemmour, issue de sa médiatisation télévisée, s’explique aussi par sa non-appartenance au milieu politique.

Les médias, au premier rang desquels les chaînes de télé en continu, devraient éviter de jeter de l’huile sur le feu des passions par calcul économique (ou politique dans le cas de CNews). Et l’Arcom (es-CSA) devrait aussi leur rappeler avec davantage de force, que l’attribution des fréquences est subordonnée à l’intérêt général, dont la cohésion sociale est la clé de voute.

Cyrille FRANK

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