19 mars 2020. La crise du Coronavirus – Covid-19 – est l’occasion pour les médias de donner le meilleur d’eux-mêmes, afin de servir les lecteurs et citoyens. Une liste ouverte qui s’enrichira de jour en jour.
Les sites et journaux d’information ont produit déjà un travail remarquable dans des conditions particulièrement difficiles, bravo à eux !
Une tendance se dessine : c’est le grand retour des fonctions pratique et sociale des médias, en cette période de crise. Les lignes éditoriales sont moins intellectuelles, politiques, polémiques que d’habitude. Très proches des recommandations que je faisais récemment pour recruter des abonnés.
Les médias devraient s’en souvenir après la crise.
1. ACCES GRATUITS AUX CONTENUS D’INTÉRÊT GÉNÉRAL
De nombreux journaux ont pris la décision d’ouvrir leurs contenus payants dédiés au Coronavirus à tous, pour des motifs de santé publique.
C’est notamment le cas de Libération dont le directeur de publication, Laurent Joffrin, explique la démarche.
Au delà de la poursuite de l’intérêt général, cette décision peut aussi servir le média en termes marketing : faire connaître l’offre à un plus grand nombre de lecteurs, améliorer l’image du média auprès des citoyens. Ce, à un moment où la confiance est au plus bas.
Le groupe Presse info+ du secteur médical a lui aussi ouvert ses contenus aux professionnels de santé, ce qui traduit un véritable effort civique.
2. VIDEO PÉDAGOGIQUE SIMPLE, CLAIRE, HONNÊTE, PRUDENTE
Pas besoin de moyens considérables pour produire un bon sujet. Il suffit de poser les bonnes questions au bon expert. Ce dernier s’exprime de manière très claire, avec précision et prudence. Il n’hésite pas à dire qu’il ne sait pas, ce que beaucoup d’experts omniscients en télévision ont du mal à avouer.
3. VIDEO-ANIMATION ELABOREE POUR MESURER LA GRAVITÉ DU PROBLÈME
Encore une excellente video de l’équipe Datagueule, qui explique avec un impact maximal des choses complexes au plus grand nombre. Ici, l’angle choisi consiste à prendre la mesure de la gravité du problème. Sous-évaluation des cas recensés, engorgement hospitalier, contamination si non-respect d’un strict confinement…
La scénarisation est toujours très rythmée, les animations jolies, les faits clairs et vérifiés. Beaucoup d’infos en 3mn, mais le message essentiel passe très bien : ne sortez pas !
4. ANIMATION POUR VISUALISER ET COMPRENDRE IMMÉDIATEMENT
L’animation pédagogique du Washington Post est brillante. Elle permet de saisir en un coup d’oeil l’intérêt du mécanisme de la distanciation. Et le risque à ne pas la respecter. Evidemment, il s’agit d’un format plus coûteux et complexe à produire que tous les médias ne peuvent s’offrir.
Mais au delà du coût de production – pas non plus exorbitant – l’idée est géniale et répond de la meilleure manière à une besoin de compréhension du lecteur. Et à une nécessité sanitaire !
5. VISUALISATION DE LA PROPAGATION DE LA MALADIE DANS LE MONDE
France Info a fait le pari de n’indiquer que le nombre de décès pour matérialiser la progression du Covid-19.
Le Figaro, lui, a préféré montrer le nombre de malades identifiés et de décès sur plusieurs courbes séparées (sachant que le premier indicateur est peu fiable puisque peu de tests sont pratiqués en France notamment). Un code couleur, du bleu au rouge vif, indique bien le stade de développement de la pandémie.
Quel que soit l’indicateur retenu, on voit donc clairement que la France n’a pas encore atteint son pic d’inflexion…
6. INFOGRAPHIE POUR REPRÉSENTER LE NIVEAU DE RISQUE DE LA MALADIE
Le Monde a réalisé là une infographie bien utile (repérée par Datagif et son excellente newsletter) qui permet de se représenter la dangerosité du virus sur le double axe létalité et contagion. Sachant qu’évidemment, le Covid-19, lui ne bénéficie pas d’un vaccin, ce qui le rend terriblement mortel sur la durée.
7. RÉCIT ILLUSTRÉ ET ANIMÉ EN PARALLAXE
Le New York Times a créé là un dossier vraiment remarquable à la fois sur le fond et la forme. Gros travail d’enquête pour revenir à l’origine de la dissémination de la maladie. Et énorme travail d’illustration avec au moins un journaliste, un graphiste et un développeur.
Un format très coûteux à produire donc, qui correspond aux moyens du New York Times, et qui correspond à la ligne éditoriale plus intellectuelle du journal.
8. ATTESTATION DE SORTIE A DÉCOUPER DANS LE JOURNAL
Voilà une bonne idée initiée par plusieurs journaux de PQR (La Montagne, La Voix du nord, Le Parisien…) et qui témoigne d’un souci d’aider le lecteur-citoyen sur le plan pratique. Et oui, tout le monde n’a pas une imprimante à domicile…
A noter aussi ces articles qui indiquent le texte à recopier sur papier libre, pour ceux qui ne peuvent acheter le journal non plus.
9. LISTE D’OUTILS EN LIGNE GRATUITS POUR TRAVAILLER A DISTANCE
Encore une fois de nombreux journaux ont compris l’importance de rendre un service pratique aux millions de travailleurs confinés. Cette liste d’outils de collaboration en ligne gratuits en est un bon exemple.
10. APPLICATION D’ENTRAIDE MULTI-SERVICES
Midi Libre va plus loin dans le service pratique aux lecteurs-citoyens en proposant une application dédiée. Garde d’enfant, aide aux devoirs, configuration d’un ordinateur pour télétravailler, livraison de courses à domicile…
11. QUESTIONS-RÉPONSES EN UNE DU SITE
La hiérarchie de l’information et la bonne gestion du froid et du chaud est cruciale en période de crise. On ne saurait se contenter de proposer l’information sur le seul critère chronologique, chaque nouvelle information chassant l’autre.
En l’occurrence, toutes les questions de prévention et pratiques doivent être accessibles rapidement en permanence. C’est l’objet de ce bloc à droite du sujet principal de une sur Le Monde. Il pourrait y avoir un bloc rappelant les principales mesures de sécurité à respecter, mais c’est déjà un bel effort.
Le Parisien dédie un espace plus bas sur sa page d’accueil aux questions-réponses des internautes. Dommage que les questions ne soient pas plus incarnées (Sophie de Nanterre) et que l’accès au formulaire de questions et à l’ensemble des réponses ne soit pas accessible sur une même rubrique.
12. MODULE DE QUESTIONS-RÉPONSES EMBEDDABLE DANS LES ARTICLES
La BBC a décidé à l’occasion de la crise du Coronavirus de développer un module de questions-réponses embarquable dans ses articles.
C’est évidemment une bonne chose pour les médias de travailler sur le long terme, et de créer leurs propres outils d’édition, pour ne pas réinventer la roue à chaque fois.
C’es de l’investissement vertes, mais qui est rentable dans le temps sur les sujets récurrents.
13. PRÉSENCE EN UNE DES INFORMATIONS INDISPENSABLES TIÈDES OU FROIDES
El Pais a l’une des meilleures une qui présente les informations indispensables en blocs permanents. Sous l’actu chaude, apparaissent des blocs permanents qui répondent aux besoins constants : progression du virus, gestes de prévention ou curation, infos pratiques…
14. CHATBOT SPÉCIALISÉ POUR REPONDRE AUX QUESTIONS DES INTERNAUTES
Le groupe TF1 a mis au point un assistant virtuel avec l’aide de Doctissimo pour répondre aux questions de santé de ses lecteurs. Le côté froid et impersonnel du robot est habilement contourné par la mise en avant forte d’un expert reconnu et apprécié.
15. NEWSLETTER DÉDIÉE A LA CRISE
La newsletter prouve une fois de plus sa force et son impact sur les lecteurs. C’est particulièrement adapté à ce genre de sujet qui concentre l’intérêt de tout le monde et qui est amené à durer quelques semaines, a minima.
De nombreux médias ont lancé leur newsletter comme Sud-Ouest ci-dessus, celle du Parisien ou encore celle de 60 Millions de consommateurs
16. S’INTÉRESSER AUX LECTEURS, PERMETTRE L’ECHANGE, LA SOCIALISATION
En cette période de confinement, le besoin de communiquer est encore plus vif, pour vaincre l’isolement et limiter aussi l’anxiété.
La Montagne a pensé aussi à ce besoin crucial de socialisation, qui fait partie des missions essentielles des médias, entre autres besoins (pratique, plaisir, pensée, partage)
17. CO-CONSTRUIRE LES CONTENUS AVEC LE LECTEUR-AUDITEUR
Astrapi et France Info proposent une émission interactive avec l’aide des jeunes lecteurs du magazine. Cette fois, l’émission se fait à distance, par téléphone, coronavirus oblige.
On est sur la fonction « miroir » des médias, mais qui peut être aussi une fenêtre sur de bons conseils et une bouffée d’oxygène mentale et sociale. Il est rassurant de constater l’inter-subjectivité, cela permet de lutter contre le sentiment de solitude.
Cette co-construction est vraiment à développer avec ses lecteurs, même hors temps de crise, car elle permet vraiment d’instaurer un lien fort avec son audience. Sans doute le facteur de survie économique décisif des médias à l’avenir, à l’heure où le modèle par abonnement s’est imposé, où les ressources publicitaires accélèrent leur déclin avec la fin programmée des cookies tiers.
18. FAVORISER L’ENTRAIDE, LA MISE EN RELATION
L’Avenir avec sa plateforme facilite la prise de contact de ceux qui veulent donner un coup de pouce avec ceux qui en ont besoin. Le journal joue son rôle d’intermédiateur en ne se mettant plus forcément au centre.
Le site d’actualité belge propose aussi un groupe Facebook, mais un bon vieux forum serait tout aussi utile (voire plus) en rapprochant davantage le média de ses lecteurs.
Il est vrai que l’urgence nécessitait une réponse rapide, mais je le dis pour l’avenir des médias : reprenez le contrôle de votre communauté, votre survie économique en dépend !
19. DIVERSIFIER LES ANGLES : PENSER A LA SANTÉ MENTALE AUSSI
Le confinement et la crise crée une angoisse hors-norme. Il est aussi important en termes de santé publique de traiter le sujet, comme le New York Times. De même que ceux qui pêchent par excès de confiance en ne respectent pas ni la distanciation, ni le confinement !
Je pense qu’à Barbés ce matin personne n’a compris ou n’a eu envie de comprendre le mot #confinement .#coronavirus pic.twitter.com/T365OI7UYg
— Bastian 💫 (@elijahgenicot) March 18, 2020
D’autre angles sont intéressants aussi pour expliquer notre folie acheteuse, comme ce syndrome FOMO accentué par les réseaux sociaux et bien décrit dans cet article.
20. PROJECTION D’APRÈS-CRISE : COMMENT TIRER PARTI DE CETTE CRISE ?
L’être humain a aussi besoin de donner du sens à son existence. Il est particulièrement insupportable de subir un drame qui n’a aucune conséquence positive.
Cet événement est aussi l’occasion de se poser de vraies questions sur ce qu’on pourrait imaginer dans le traitement de la crise environnementale, moins urgente certes et c’est bien là le problème – mais beaucoup plus grave encore !
Cet angle est tout à fait intéressant, tout comme les articles qui nous invitent à tirer parti de ce ralentissement forcé de nos modes de vie.
Et vous quel angles, format ont retenu votre attention, pourquoi ? N’hésitez pas à me donner le lien vers le bon contenu identifié, et à préciser votre nom/ profil que je vous mentionne dans l’article.
Merci !
Cyrille Frank
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