Le besoin de se différencier dans nos univers urbains socialement homogènes et foisonnants accentue la société du narcissisme. Les réseaux sociaux reflètent cette compétition en vue de capter l’attention, nouvel or, car devenu rare.
EMERGER DE LA MULTITUDE UN BESOIN NATUREL
Sans tomber dans les théories sociobiologistes radicales, on peut raisonnablement postuler que l’égo, la vanité, l’exaltation de soi sont en partie au moins le résultat d’une stratégie adaptative de l’espèce humaine.
A l’époque préhistorique, la survie du groupe se joue sur des critères de force et de résistance physique individuelle en des temps d’insécurité où l’Homme est démuni face à la nature. Il faut être fort pour résister aux intempéries, aux longues transhumances, aux dangers d’un environnement sauvage… Il faut être fort aussi pour s’imposer auprès des autres mâles dans la compétition sexuelle et l’accès aux femmes, pour la perpétuation de son capital génétique.
Autre critère déterminant en termes de survie : la cohésion, la solidarité du groupe qui permet de lutter contre les animaux sauvages ou encore d’organiser des chasses collectives permettant d’abattre de plus gros animaux. Laquelle procure en retour une meilleure sécurité alimentaire, efficacité qui justifie la perpétuation de ce mode d’action commune.
Dernier facteur sélectif primordial pour la survie du groupe et qui, selon la théorie darwinienne, entraîne l’évolution de l’espèce humaine : l’intelligence. Celle-ci permettant l’élaboration d’armes pour se protéger, d’outils pour fabriquer des vêtements (qu’on pense à la géniale invention de l’aiguille !), du feu qui révolutionne l’alimentation et inverse le rapport de force de l’Homme face à la nature…
De nos jours, les risques liés à la survie immédiate ont disparu, mais d’autres enjeux sont apparus, notamment la nécessité d’émerger au sein de la multitude. D’où ce besoin de différenciation plus fort qui passe par la maîtrise de l’intelligence communicationnelle.
LA COMMUNICATION NOUVEAU FACTEUR DIFFERENCIANT
Nos modes de vie de plus en plus urbanisés, la centralisation des activités humaines liée à l’industrialisation ont rapproché géographiquement les individus. Nous sommes en permanence entourés d’une multitude d’autres êtres humains.
Par ailleurs, la société moderne accentue la standardisation des modes de vie qui se calque d’une part sur l’homogénéité des activités professionnelle : les clones d’employés ont remplacé la foultitude des petits métiers d’autrefois (d’ailleurs il suffit d’aller faire un petit tour en Inde pour se rappeler cette incroyable diversité originelle). Standardisation alimentée d’autre part par le modèle économique industriel à l’origine de cette fameuse “société de consommation” qui a besoin de produire massivement pour fonctionner. Qui n’a pas eu chez lui une étagère Ikea “Billy” ?
Société de consommation standardisée qui s’auto-alimente par les mécanismes de différenciation sociale comme l’ont bien montré Jean Baudrillard (“La société de consommation”) ou Pierre Bourdieu (“La distinction”).
Mais avec les nouvelles technologies de l’information et l’irruption de la conversation mondiale via le web 2.0 et les réseaux sociaux, la communication est devenue un outil majeur de cette fameuse différenciation nécessaire dans la compétition économique, politique et sexuelle.
Les bons mots échangés sur Facebook, les articles de blog comme celui-ci sont autant de moyens de faire connaître sa différence, sa singularité, sa valeur en tant qu’objet de consommation social et culturel.
Avoir une conversation en société, être “intéressant”, drôle, original est devenu un impératif social pour exister. Alors pour ce faire, il faut alimenter la machine : on se tient de plus en plus au courant pour avoir des choses à raconter, on visite des expos, on va au ciné, on fait du bricolage, de la déco pour témoigner de sa créativité… En réalité la motivation et la finalité sont très souvent sociales : il faut capter l’attention des autres, denrée de plus en plus rare.
LA COMPETITION AUTOUR DE L’ATTENTION
Mus par ce besoin constant de valorisation sociale, nous sommes dans “l’agir “ permanent, pris d’un activisme forcené. Il faut toujours faire quelque chose : travailler, lire, regarder la TV, manger, dormir. La non-action, la contemplation est disqualifiée (contrairement à d’autres cultures, notamment bouddhistes). Je vous invite à voir ou revoir “Kennedy et moi” avec l’excellent Jean-Pierre Bacri.
Cet affairement constant a pour corollaire un déficit d’attention porté à autrui. On rationne ses investissements affectifs, son temps de socialisation, ses marques d’attention à nos proches, nos amis, nos collègues. C’est un cercle vicieux : plus l’on s’active en vue d’une socialisation ultérieure, plus on raréfie l’attention globale disponible et donc moins l’on a de chance de se socialiser réellement.
Finalement, les collègues sont les mieux lotis car ils bénéficient d’une attention “forcée”. Ce qui explique sans doute en partie ce lien très fort qui se tisse de nos jours, entre collaborateurs d’entreprise, en positif ou négatif. D’où également cette confusion affective entre privé et professionnel, créatrice de convivialité et de drames quand des dissensions et déceptions se font jour, immanquablement.
A cela s’ajoutent les nouveaux médias, les nouvelles pratiques culturelles : jeux vidéo, informatique, réseaux sociaux qui s’ajoutent aux anciennes : télévision, radio, journaux… Sans parler de l’explosion des supports dans chacun de ces médias.
Autant de nouvelles activités consommatrices de temps qui réduisent l’attention disponible aux autres. “Tu vas pas lâcher un peu ta console ?”, “Oh non ne m’appelle pas jeudi, c’est le jour de mon émission préférée”…
On se souvient du mot de Patrice Le Lay de TF1 sur le “temps de cerveau disponible” qu’il vendait aux annonceurs. Phrase juste et finalement assez honnête qui a fait grand bruit. Il ne disait pourtant tout haut que ce que l’ensemble des médias font, tout bas.
LA MISE EN SCENE DE L’EGO, UNE STRATEGIE DE DIFFERENCIATION
Le mécanisme n’est pas nouveau mais nos modes de vie et l’irruption de nouveaux outils accentuent ce phénomène. Il faut se mettre en avant pour émerger et comme les instruments à disposition nous y encouragent…
Les blogs, les réseaux sociaux, les plate-formes communautaires diverses (Youtube, les groupes Facebook, WhatsApp, Fortnite, Discord… ). Sans parler des commentaires sur certains sites d’information. Le robinet d’expression et d’égo est désormais ouvert.
En entreprise, le nouveau credo n’est plus tant le “savoir faire” que le “faire savoir”. Les valeurs chrétiennes d’humilité ne sont plus opérantes de notre société en termes d’efficacité sociale. Il faut au contraire “emboucher les trompettes de sa renommée”, se mettre en avant le plus possible pour avoir une chance de retenir cette fameuse attention.
C’est d’ailleurs le reproche fait aux jeunes journalistes galériens qui, à travers le “personal branding”, cherchent juste à s’en sortir, comme je l’ai écrit dans un billet précédent.
D’ailleurs, si Internet a échoué comme les autres technologies de l’information à démocratiser véritablement la culture et le savoir, c’est néanmoins un formidable propulseur de talents. C’est un système beaucoup plus ouvert qui permet l’émergence des individualités, blogueurs de qualité (Maitre Eolas, Hugues Serraf, Versac), amuseurs (Vinvin, Mathieu Sicard)… La parole publique confisquée autrefois par les élites de la presse et des médias peut désormais s’exprimer et permettre à certains de sortir du lot en montrant leur valeur.
LA COURSE A L’ATTENTION CREATRICE D’UNE EMOTION FACTICE
Enfin, cette course à la sociabilité, à l’attention génère une façade de sentiments et d’émotions fausses destinées à répondre à la demande supposée de la communauté.
- C’est l’obligation de bonheur, la course à l’épanouissement qui valorise l’individu et efface le moindre problème, édulcore le monde dans un mécanisme identique au Kawaii japonais (lire à ce sujet “l’euphorie perpétuelle” de Pascal Bruckner)
- C’est la bonne humeur permanente, “la pêche”
- C’est l’exagération des sentiments positifs “j’ai passé un suuuperrr week-end”
- C’est la gentillesse mielleuse “vous êtes des amours, vous êtes vraiment formidables”
- C’est l’humour, la dérision systématique, le LOL tellement plus tendance et jeune que le propos sérieux et rébarbatif.
Ou bien au contraire, l’usage du cynisme sert d’instrument de domination symbolique sur les individus, sur les évènements. Se moquer, c’est afficher une certaine transcendance : extérieure et supérieure à la chose raillée.
UNE NOUVELLE SOURCE D’INEGALITE
Dans cette mise en concurrence des individus sur le temps d’attention disponible, tout le monde ne part pas avec les mêmes chances. Seuls les plus intéressants, les plus drôles, les plus gentils tirent leur épingle du jeu.
Les médiocres, les sans-culture, sans-avis, sans-humour sont les 1ères victimes de cette discrimination sociale. Et comme d’habitude, ce sont les moins favorisés socialement, ceux n’ayant pas un degré d’instruction et de culture très élevé, ceux n’ayant pas été initiés au second degré depuis l’enfance. Ceux qui n’ont pas été voir des films intelligents, des musées d’art modernes… qui héritent d’une conversation pauvre, sans valeur aux yeux de la classe moyenne/supérieure.
Alors les “sans-conversation” se regroupent et se consolent entre eux. Le pilier de bistrot refait le monde avec des bribes mal digérées d’information et de rumeurs glanées ici et là.
Les jeunes de banlieue se rassemblent au pied des immeubles, parlent leur langage, suivent un rituel d’appartenance bien précis. Qui les rassure et les enferme aussi, comme le montre bien Hegel et sa « phénoménologie de l’esprit » : “se poser en s’opposant aux autres”.
Les nouveaux médias ne sont pas responsables de cette course à l’égo qui est concomitante à la société de consommation. Mais l’homogénéisation des modes de vie, la concentration humaine et les nouveaux outils accentuent ce phénomène. J’émerge donc je suis…
Cyrille Frank
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Crédit photo en CC via Flickr.com Captain Kobold, Profzucker, Swamibu
Ce que tu décris est très juste. Y compris le fait que cette « course à l’ego » est forcée, contrainte.
Les mécanisme de distinction (tu cites Bourdieu) ont migré du domaine purement matériel (j’ai une plus grosse voiture que le voisin) au domaine virtuel (j’ai plus de followers).
C’est ce qui explique que le champ de bataille est maintenant sur le net (même si le champ de bataille traditionnel reste pour beaucoup celui où tout se joue).
Et je suis d’accord avec ta conclusion: les inégalités sociales sur retrouvent sur Internet (http://bit.ly/9nM3Nb). On observe un phénomène de cour sur les médias sociaux: on courtise Nkm ou tel rédacteur en chef sur Twitter et on repousse les assaut de tel stagiaire ou de tel loleur. Ou le contraire! Car sur Internet les hiérarchies peuvent s’inverser… c’est le seul petit bémol que j’aimerais ajouter
C’est vrai il y a quelques inversions de pouvoir entre dominants (la jeune garde bousculant la plus vieille) mais pas de grands bouleversements d’ordre révolutionnaire. Cf mon papier http://www.mediaculture.fr/2010/09/04/nouveaux-medias-une-nouvelle-classe-dominante/
Les plus démunis même avec un ordinateur n’ont ni les moyens culturels, ni la confiance, ni le temps, ni l’envie d’intervenir pour changer la donne.
Ou alors cela reste exceptionnel, telle la fête des fous du moyen-âge. Exemple : un coup de gueule d’un anonyme qui va être repris sur Youtube et « buzzer » un peu …
Ce que tu décris est très juste. Y compris le fait que cette « course à l’ego » est forcée, contrainte.
Les mécanisme de distinction (tu cites Bourdieu) ont migré du domaine purement matériel (j’ai une plus grosse voiture que le voisin) au domaine virtuel (j’ai plus de followers).
C’est ce qui explique que le champ de bataille est maintenant sur le net (même si le champ de bataille traditionnel reste pour beaucoup celui où tout se joue).
Et je suis d’accord avec ta conclusion: les inégalités sociales sur retrouvent sur Internet (http://bit.ly/9nM3Nb). On observe un phénomène de cour sur les médias sociaux: on courtise Nkm ou tel rédacteur en chef sur Twitter et on repousse les assaut de tel stagiaire ou de tel loleur. Ou le contraire! Car sur Internet les hiérarchies peuvent s’inverser… c’est le seul petit bémol que j’aimerais ajouter
Oui, globalement il y a statu quo!
Oui, globalement il y a statu quo!
Excellent billet. A mettre en rapport avec l’attitude de toutes ces personnes, surtout les plus jeunes, qui se placent dans le champ d’une caméra quand ils en voient une: pour exister, être vu.
Aller mon gars, pour ETRE, va te faire voir ailleurs.
merci du compliment
« Aller mon gars, pour ETRE, va te faire voir ailleurs » hehehe :))
Excellent billet. A mettre en rapport avec l’attitude de toutes ces personnes, surtout les plus jeunes, qui se placent dans le champ d’une caméra quand ils en voient une: pour exister, être vu.
Aller mon gars, pour ETRE, va te faire voir ailleurs.
Merci pour cette analyse très intéressante et documentée. Pour ceux qui souhaitent vraiment s’en sortir, les media sociaux peuvent être un formidable réel tremplin (auto-formation, visibilité et accessibilité au-delà des barrières sociales ou codes culturels, je le vois avec mes élèves…). C’est alors que le savoir-faire et le faire-savoir deviennent plus que jamais corrélés au savoir-être : les imposteurs sont vite démasqués, la course aux contacts tous azimuts peut s’avérer suspecte ou révélatrice d’un désert affectif, le mimétisme (« dis-moi qui tu suis et je te dirai qui tu es ») ne fait pas illusion longtemps si l’individu n’a rien à partager… Certes Internet exacerbe l’orgueil de ceux qui veulent avoir le dernier mot, le repli des inhibés, amplifie les phénomènes de cour, que vous décrivez très justement. Mais une réputation n’a jamais été aussi fragile, ébranlable. Du coup, les questionnements de fond deviennent indispensables pour permettre aux individus de grandir librement et de trouver le mode de rayonnement qui leur convient, au-delà de tout stérotype (quelle est ma mission sur terre, quelles facettes de ma marque ai-je envie de communiquer pour créer de la valeur, auprès de quelle cible, avec quels outils, sur quel ton etc…). Et cela me semble très positif en termes de responsabilisation et d’autonomie !
Merci Frédérique du compliment et du commentaire 🙂
oui, il a très certainement une période de « calage » des usages comme avec tout nouveau média, qui tendront à s’équilibrer dans le temps, avec la maturité grandissante des utilisateurs.
Ces technologies sont des formidables potentialités et les technos en général ne sont que ce que l’on en fait (propos qui rejoint celui d’Eric Mainville et Thierry Crouzet). J’attire votre attention et celle de mes lecteurs sur la difficulté à les maîtriser. Et donc sur le phénomène classique inhérent à toute invention, du moins dans un premier temps : l’accroissement des inégalités socio-culturelles.
Il est grand temps que l’école républicaine se préoccupe d’enseigner non seulement les savoirs fondamentaux, mais développe aussi une éducation et un esprit critique vis à vis des médias en général (la tv surtout) et les nouveaux médias en particulier.
Cela ne résorbera pas tout bien sûr, mais cela atténuera un peu les effets de creusement du fossé culturel, déjà béant.
Mais sans doute est-ce que que vous enseignez déjà ?
je suis tombé sur billet sur recommandation d’un ami sur twitter que je suis également dans Google buz et c’est là qu’il en fait l’éloge. Donc on ne peut blâmer la techno puisqu’elle est à notre disposition, c’est pas le contraire. Mais je suis totalement d’accord sur le ‘statement’ : nous vivons une course à la reconnaissance. Personal branding, social networking, Micro blogging… autant de concepts qui existaient dans le marché d’autre fois où l’on s’affairait à vendre des biens. Aujourd’hui, l’entrepreneuriat est à la portée de tout le monde (système Avon, Acanac, affiliation…), alors je pense que tout le monde vit son rêve de devenir riche derrière cette super activité : Give it away and Pray…
Bonsoir Mohammed,
Oui ce n’est pas la techno en cause, comme à chaque fois, c’est bien l’usage qu’on en fait. Tout le monde non… Plus de monde certainement. Déjà n’oubliez pas qu’il reste encore beaucoup de non connectés. En France plus de 30% je crois. Et parmi les connectés, il ya d’énormes disparités d’usages.
Les gens dont vous parlez viennent de votre propre milieu. Attention aux réflexes de projection de soi 😉 Madame Michu dans le fin fond de sa région regarde des videos youtube qu’on lui envoie par e-mail, son site de mots-croisés et les infos sur son canard local. Et c’est à peu près tout.
C’est cela l’énorme majorité des usages avec un en plus des recherches wikipedia de temps en temps…
je suis tombé sur billet sur recommandation d’un ami sur twitter que je suis également dans Google buz et c’est là qu’il en fait l’éloge. Donc on ne peut blâmer la techno puisqu’elle est à notre disposition, c’est pas le contraire. Mais je suis totalement d’accord sur le ‘statement’ : nous vivons une course à la reconnaissance. Personal branding, social networking, Micro blogging… autant de concepts qui existaient dans le marché d’autre fois où l’on s’affairait à vendre des biens. Aujourd’hui, l’entrepreneuriat est à la portée de tout le monde (système Avon, Acanac, affiliation…), alors je pense que tout le monde vit son rêve de devenir riche derrière cette super activité : Give it away and Pray…
Wow, bravo pour ce billet profond qui nous pousse à la réflexion ; à chaque §, on se dit « C’est tellement vrai… ». J’ai particulièrement apprécié celui sur l' »émotion factice » (et feinte), phénomène que l’on retrouve de plus en plus dans le monde du travail.
Bien vu de partir de Bourdieu, pour montrer que la « reproduction sociale » qu’il dénonçait se retrouve aussi sur les réseaux sociaux….
Merci Capucine 🙂
Oui la reproduction sociale est à l’oeuvre dans l’ensemble des nouvelles technologies. C’est l’un des axes forts de presque chacun de mes papiers (pour rééquilibrer une certaine euphorie des acteurs et utilisateurs eux-mêmes)
Je ne fais que resservir de grandes pensées qui ne m’appartiennent pas : Bourdieu et d’autres…
Billet très intéressant, merci. Par contre, je reste assez dubitatif devant cette évidence somme toute assez discutable que tu assènes : » D’ailleurs Internet s’il a échoué comme les autres technologies de l’information à démocratiser véritablement la culture et le savoir (…) « .
Sinon, je suis parfaitement d’accord avec ton analyse concernant ce que tu nommes l’emotion factice. La tyrannie de la bonne humeur est effectivement une source d’auto-censure permanente sur Twitter. Personnellement, je l’envisage plus largement comme une soumission instinctive à une forme de bien-pensance propre à Twitter.
Merci 🙂
Hélas non, mon point de vue n’a rien de subjectif. Il s’appuie sur des faits et des chiffres. http://www.inegalites.fr/spip.php?rubrique6&id_groupe=10
En dépit de l’irruption des nouvelles technos, les inégalités non seulement demeurent, mais elles s’accroissent. Ce phénomène est bien connu des sociologues. Il s’explique par le fait qu’il y a un décalage dans le temps s’agissant de la maîtrise des nouveaux outils par les élites par rapport aux classes plus modestes.
Il y a généralment un rattrapage par la suite, mais déjà une nouvelle techno apparaît ce qui fait qu’une distance sépare toujours les élites du peuple. Ce qui est à craindre en l’occurrence, c’est le décrochage des plus démunis qui ne reviennent pas dans la course, car ayant accumulé trop de retard (métaphore du cancre en classe).
Ce qui ne veut pas dire que les nouvelles technos ne peuvent pas servir à quelque uns d’ascenseur social. Ce n,’est pourtant pas la majorité des cas.
Votre scepticisme montre aussi combien l’utopie techniciste de la communication est forte et répandue. D’où quelque part, mon utilité à rappeler quelques « évidences » sociologiques.
Je conviens que sur ce commentaire je manque d’éléments tangibles, mais votre commentaire m’invite à prévoir un billet plus étoffé sur ce sujet.
J’ai pris bcp de plaisir à la lecture de cette brillante analyse : pertinente et concise !
C’est un truisme de dire que les technologies ne sont ni bonnes ni mauvaises en soi ; que tout dépend de l’usage qu’on en fait ; il n’en reste pas moins que par delà ces usages, le développement technologique s’auto-entretient dans une dynamique exponentielle. Celle-ci génère un prodigieux effet d’accélération. Il renforce les conditions socio-politiques libérales qui ont permis son avènement. De ce fait, l’humanité mondialisée réagit comme un seul être et la machine s’emballe. En vertu de la guerre à laquelle les grands ensembles continentaux se livrent, en raison du libre échange généralisé, le déploiement des nouvelles technologies est fulgurant. Les acteurs n’ont d’autres choix que de donner le tempo de préférence, dans le but de prendre l’avantage, ou dans la plupart des cas, de le suivre afin de rester dans la course.
Alors la question n’est plus de savoir si les acteurs font ou ne font pas un bon usage de telle ou telle techno à la marge : mais elle de savoir dans quelle mesure l’habitus technologique de l’humanité n’a-t-il pas pris le pouvoir en induisant des modes d’organisation qui obligent à aller de plus en plus vite, privant les sociétés du temps de la réflexion. ce qui en soit est un puissant inconvénient, aux conséquences potentiellement dramatiques : la civilisation des technologies de la vitesse et de la communication foncent vraisemblablement vers son titanic Iceberg. non pas parce que les pilotes font le smauvais choix; parce que s’ils ne font pas les choix que la guerre technologique leur impose, et bien ils sont éjectés par la force centrifuge du processus. le processus à l’oeuvre dans la boucle complexification-accélération a pris le dessus sur ceux qui sont censés le piloter ! Ils sont pilotés par le processus davantage qu’ils ne le pilotent ainsi que le déplorait, littérallement accablé, Georges Corm ce matin au micro de France Culture au sujet du G20 et du nouveau gouvernement du monde.
Nous nous sommes donc laissé prendre dans un tourbillon que nous avons nous mêmes créé ; nous sommes arrivés au stade où le créateur est dépassé par le rôle désormais joué dans son existence par sa créature … De bonne foi le créateur a créé une créature devenu au fil de ses évolutions trop complexe et trop performante pour ses capacités et à laquelle il est contraint d’obéir sous peine de périr sur le bas côté de la route, le cimetière politico-social qui attend les technophobes et les techno-incompétents !
Merci Pascal pour la louange 🙂
Oui c’est très juste cette vision d’une course technologique mondialisée non maîtrisée qui échappe au contrôle de ses initiateurs.
Mais je reste toutefois convaincu du pouvoir du politique. Plus à l’échelle d’un pays, mais de groupes de pays. A commencer par l’Europe. Le politique n’ a pas perdu en soi le pouvoir sur l’économique. Il faut cependant effectuer un changement d’échelle pour rééquilibrer les forces vis à vis des potentats économiques transnationaux et des autres forces économiques aux modèles destructeurs (Chine/Etats-Unis…). De là seul peut provenir la reprise en main de la machine. Mais une Europe politique forte passe par :
– Les instruments institutionnels ad hoc (majorité qualifiée)
– Une harmonisation fiscale et sociale
– Une politique de défense commune (pour en finir avec la tutelle américaine étouffante de l’Otan vers laquelle Sarkozy court, comme un chien fou pour économiser son plat de lentille budgétaire)
On en est très très loin… la machine peut donc continuer de s’emballer jusqu’au vrai choc financier qui peut-être seul peut amener les hommes, par la contrainte à réformer le système. Ou jusqu’à la prochaine guerre.
La montée des extrémismes, des replis, des populismes sur fond de crise économique rappelle des souvenirs encore vivaces : Celle de la montée des fascismes et nazimes des années 30. L’Homme n’apprendrait-il vraiment que par ses erreurs ? Ceux qui ont connu la guerre savent le prix qu’il faut impérativement consentir à l’union des peuples. Les autres pensent que la paix est désormais acquise et la guerre un souvenir de « vieux con ». C’est une vision bien courte de l’Histoire…
J’ai pris bcp de plaisir à la lecture de cette brillante analyse : pertinente et concise !
C’est un truisme de dire que les technologies ne sont ni bonnes ni mauvaises en soi ; que tout dépend de l’usage qu’on en fait ; il n’en reste pas moins que par delà ces usages, le développement technologique s’auto-entretient dans une dynamique exponentielle. Celle-ci génère un prodigieux effet d’accélération. Il renforce les conditions socio-politiques libérales qui ont permis son avènement. De ce fait, l’humanité mondialisée réagit comme un seul être et la machine s’emballe. En vertu de la guerre à laquelle les grands ensembles continentaux se livrent, en raison du libre échange généralisé, le déploiement des nouvelles technologies est fulgurant. Les acteurs n’ont d’autres choix que de donner le tempo de préférence, dans le but de prendre l’avantage, ou dans la plupart des cas, de le suivre afin de rester dans la course.
Alors la question n’est plus de savoir si les acteurs font ou ne font pas un bon usage de telle ou telle techno à la marge : mais elle de savoir dans quelle mesure l’habitus technologique de l’humanité n’a-t-il pas pris le pouvoir en induisant des modes d’organisation qui obligent à aller de plus en plus vite, privant les sociétés du temps de la réflexion. ce qui en soit est un puissant inconvénient, aux conséquences potentiellement dramatiques : la civilisation des technologies de la vitesse et de la communication foncent vraisemblablement vers son titanic Iceberg. non pas parce que les pilotes font le smauvais choix; parce que s’ils ne font pas les choix que la guerre technologique leur impose, et bien ils sont éjectés par la force centrifuge du processus. le processus à l’oeuvre dans la boucle complexification-accélération a pris le dessus sur ceux qui sont censés le piloter ! Ils sont pilotés par le processus davantage qu’ils ne le pilotent ainsi que le déplorait, littérallement accablé, Georges Corm ce matin au micro de France Culture au sujet du G20 et du nouveau gouvernement du monde.
Nous nous sommes donc laissé prendre dans un tourbillon que nous avons nous mêmes créé ; nous sommes arrivés au stade où le créateur est dépassé par le rôle désormais joué dans son existence par sa créature … De bonne foi le créateur a créé une créature devenu au fil de ses évolutions trop complexe et trop performante pour ses capacités et à laquelle il est contraint d’obéir sous peine de périr sur le bas côté de la route, le cimetière politico-social qui attend les technophobes et les techno-incompétents !
Dans un monde hyper ouvert et débridé comme celui mondialisé néo-libéralement qui est le nôtre, je ne vois pas de possibilité d’échapper au concassement de nos vies psychiques et par conséquent de notre humanité dans sa part la plus sensible qui fait des humains des êtres de poésie. Nous sommes de plus en plus dévorés par ce système qui est le rejeton du croisement de la puissance de notre cerveau cartésien et de l’ignorance des méandres de notre psyché : ça donne la bombe atomique ! Le savoir et la technologie extrême au service des forces de destruction ! A l’âge qui est le sien, l’humanité ne pouvait pas ne pas développer cette bombe : dès lors que la possibilité d’une technologie nouvelle existe, elle finit par advenir !
Je suis toujours surpris du peu d’intérêt relatif porté à la question pourtant fondamentale, d’un simple point de vue du vivre ensemble : qu’est-ce qui meut l’humain ? Une idée de billet à ajouter à la to do liste !
Pascal,
Oui je suis d’accord avec cela : « dès lors que la possibilité d’une technologie nouvelle existe, elle finit par advenir ».
Propos qui rappelle l’aphorisme « on n’arrête pas le progrès »
C’est une bonne idée qui coincide avec certaines idées que je vais développer dans mon prochain billet sur la ligne éditoriale. J’ai pas mal d’idées sur le sujet, je note l’idée merci !
🙂
J’aimerais ajouter qu’au final, les outils de sociabilisation et d’étalage de l’égo (facebook par exemple) sont plus des machines à uniformiser les goûts et les usages, qu’à se distinguer personnellement.
Il ne faut pas oublier que quelque soit la classe sociale qui utilise ces outils de communication, cela se fait dans un niveau de conformisme qui dépasse l’entendement. La distinction, oui, mais conforme à ce qui se fait au sein de son groupe de consommateurs, de sa « tribu ». Tribu qui se distingue généralement par pas grand chose, le fond restant le même, chez un riche ou un sans-le-sou.
Finalement, y a pas plus efficace niveau « lutte des classes » que facebook, car les barrières entre les gens se limitent plus à ce qu’ils ont à montrer de nouveau (c’est à dire pas grand chose), qu’à leur patrimoine financier.
Les réseaux sociaux amplifient les inégalités car certains n’ont rien à dire… Oui enfin il y en a qui n’ont rien à dire et qui remplissent à eux seuls l’actu facebook de leur moindre réaction ou fait. Et on met un j’aime par gentillesse. Ils sont moins exclus que dans la vie réelle je trouve.
Bonjour Marie,
Vous parlez de pitié, pas d’estime de l’autre là… C’est presque pire 🙂
Si vous n’avez rien à dire et en plus que vous parlez sans arrêt, vous susciterez soi de la compassion (comme vous), soit du mépris (la plupart du temps).
Rien de nouveau par rapport à la vie « réelle », mais un mouvement accentué par la course à la visibilité qui passe notamment par ces outils en ligne. Mais pas que : cf le bricolage, la déco, le shopping « vintage » destinés à se différencier auprès des autres.
Ceux qui n’ont pas d’instruction, pas de passion ont moins de chance de se valoriser vraiment auprès des autres; il ne leur reste au mieux que la compassion…
J’aimerais ajouter qu’au final, les outils de sociabilisation et d’étalage de l’égo (facebook par exemple) sont plus des machines à uniformiser les goûts et les usages, qu’à se distinguer personnellement.
Il ne faut pas oublier que quelque soit la classe sociale qui utilise ces outils de communication, cela se fait dans un niveau de conformisme qui dépasse l’entendement. La distinction, oui, mais conforme à ce qui se fait au sein de son groupe de consommateurs, de sa « tribu ». Tribu qui se distingue généralement par pas grand chose, le fond restant le même, chez un riche ou un sans-le-sou.
Finalement, y a pas plus efficace niveau « lutte des classes » que facebook, car les barrières entre les gens se limitent plus à ce qu’ils ont à montrer de nouveau (c’est à dire pas grand chose), qu’à leur patrimoine financier.
Les réseaux sociaux amplifient les inégalités car certains n’ont rien à dire… Oui enfin il y en a qui n’ont rien à dire et qui remplissent à eux seuls l’actu facebook de leur moindre réaction ou fait. Et on met un j’aime par gentillesse. Ils sont moins exclus que dans la vie réelle je trouve.
Bonjour Marie,
Vous parlez de pitié, pas d’estime de l’autre là… C’est presque pire 🙂
Si vous n’avez rien à dire et en plus que vous parlez sans arrêt, vous susciterez soi de la compassion (comme vous), soit du mépris (la plupart du temps).
Rien de nouveau par rapport à la vie « réelle », mais un mouvement accentué par la course à la visibilité qui passe notamment par ces outils en ligne. Mais pas que : cf le bricolage, la déco, le shopping « vintage » destinés à se différencier auprès des autres.
Ceux qui n’ont pas d’instruction, pas de passion ont moins de chance de se valoriser vraiment auprès des autres; il ne leur reste au mieux que la compassion…
Bravo pour cet article très interessant!
Un des fondements de la nature humaine c’est ce désir de se différencier, de se distinguer de sa classe. Auparavant, c’était avant tout par les biens matériels et l’apparence. Désormais, il faut compter avec les le web 2.0!
Bravo pour cette article
Je suis d’accord aujourd hui que pour ce sentir bien dans sa peau il faut pouvoir ce démarquer des autres. Si on est pas le meilleurs personnes ne souviendra de vous…
Bravo pour cette article
Je suis d’accord aujourd hui que pour ce sentir bien dans sa peau il faut pouvoir ce démarquer des autres. Si on est pas le meilleurs personnes ne souviendra de vous…
Très bon article,
Je l’ai fait tourné autour de moi,
Comme quoi on peut aussi trouver des choses intéressantes sur le net.
Continue comme ça.
Pour en avoir même discuté lors d’un repas, cet article est bien construit et reflète fidèlement un problème majeur de notre société qui touche principalement les jeunes,moi le premier et dont j’aimerais franchement me détacher.
Je pense que tu aurais pu aller encore plus loin sur certains aspects,
Comme aborder par exemple le fait qu’aujourd’hui nous sommes dans la société de l’enfant roi. A l’époque de nos grand parents, les enfants n’avaient aucun droit et ils n’étaient en rien un élément capital de la famille, c’était les « vieux » qui représentaient le noyaux familial du savoir et de l’experience. Les jeunes aspiraient à l’élévation sociale et a l’expérimentation de la vie pour vivre de leurs propres ailes et acquérir la liberté, avec son lot de devoir mais aussi de droits.
Aujourd’hui l’enfant est placé comme le centre du monde au sein de la famille, il a tous les droits et personne ne le réprimende (cf polémique actuelle de la fessée). En grandissant il doit se responsabiliser mais se rend vite compte du lot de devoir qu’implique le fait de devenir adulte. Il doit s’éloigner de la famille dans laquelle il était le roi et payer ses impots, travailler, faire ses courses et les tâches ménagère.
Du centre du monde il a l’impression de devenir un esclave de la société d’ou le malaise que l’on constate chez de nombreux jeunes en passe de devenir adulte qui refuse leur devoir, cherchent à rejetter la responsabilisation et à trouver l’attention qu’ils ont perdus et ce qu’importe le prix qu’il en coute
Merci bien Marc !
Oui, je crois que nous créons une société excessivement égotique et l’on peut en effet regretter quelquefois cet excès de vénération des enfants à qui l’on passe tout, pour être sûrs de ne pas perdre leur amour. Comme si les enfants pouvaient cesser de nous aimer parce qu’on refuse de céder à leurs caprices… Un des éléments essentiels du bonheur est la capacité à résister à la frustration, qui va nous accompagner toute notre vie, comme vous le notez fort justement. On ne les prépare pas bien au bonheur de ce point de vue…
Mais cet égotisme ne touche pas que les enfants, notre société de miroirs nous oblige à nous mettre en scène en permanence, à jouer des rôles, à être sur le devant de la scène (la promotion sociale récompense peu les timides). A tous les âge le narcissisme social fait son ouvrage, et crée du malheur pour ceux qui en sont dupes (cf les Loana, Cindy Sanders et autres…)
Bien cordialement
Cyrille
Très bon article,
Je l’ai fait tourné autour de moi,
Comme quoi on peut aussi trouver des choses intéressantes sur le net.
Continue comme ça.
Pour en avoir même discuté lors d’un repas, cet article est bien construit et reflète fidèlement un problème majeur de notre société qui touche principalement les jeunes,moi le premier et dont j’aimerais franchement me détacher.
Je pense que tu aurais pu aller encore plus loin sur certains aspects,
Comme aborder par exemple le fait qu’aujourd’hui nous sommes dans la société de l’enfant roi. A l’époque de nos grand parents, les enfants n’avaient aucun droit et ils n’étaient en rien un élément capital de la famille, c’était les « vieux » qui représentaient le noyaux familial du savoir et de l’experience. Les jeunes aspiraient à l’élévation sociale et a l’expérimentation de la vie pour vivre de leurs propres ailes et acquérir la liberté, avec son lot de devoir mais aussi de droits.
Aujourd’hui l’enfant est placé comme le centre du monde au sein de la famille, il a tous les droits et personne ne le réprimende (cf polémique actuelle de la fessée). En grandissant il doit se responsabiliser mais se rend vite compte du lot de devoir qu’implique le fait de devenir adulte. Il doit s’éloigner de la famille dans laquelle il était le roi et payer ses impots, travailler, faire ses courses et les tâches ménagère.
Du centre du monde il a l’impression de devenir un esclave de la société d’ou le malaise que l’on constate chez de nombreux jeunes en passe de devenir adulte qui refuse leur devoir, cherchent à rejetter la responsabilisation et à trouver l’attention qu’ils ont perdus et ce qu’importe le prix qu’il en coute
Merci bien Marc !
Oui, je crois que nous créons une société excessivement égotique et l’on peut en effet regretter quelquefois cet excès de vénération des enfants à qui l’on passe tout, pour être sûrs de ne pas perdre leur amour. Comme si les enfants pouvaient cesser de nous aimer parce qu’on refuse de céder à leurs caprices… Un des éléments essentiels du bonheur est la capacité à résister à la frustration, qui va nous accompagner toute notre vie, comme vous le notez fort justement. On ne les prépare pas bien au bonheur de ce point de vue…
Mais cet égotisme ne touche pas que les enfants, notre société de miroirs nous oblige à nous mettre en scène en permanence, à jouer des rôles, à être sur le devant de la scène (la promotion sociale récompense peu les timides). A tous les âge le narcissisme social fait son ouvrage, et crée du malheur pour ceux qui en sont dupes (cf les Loana, Cindy Sanders et autres…)
Bien cordialement
Cyrille