Les outils d’aide à la décision éditoriale se développent. Pour améliorer la curation de contenus, pour repérer les sujets qui « montent », pour anticiper les attentes. Un avantage concurrentiel, qui se traduit en audience sonnante et trébuchante.
Aujourd’hui, tous les sites médias sont équipés d’outils de tracking d’audience de type Google Analytics, Xiti, Webtrends ou encore Omniture. Afin d’être plus en plus réactifs vis à vis de l’audience, ces solutions se sont dotées de fonctions « temps réel », à l’instar de logiciels gratuits comme Chartbeat. Ce dernier mesurant l’afflux ce visiteurs en direct sur la page d’accueil.
De fait, la gestion de l’audience est devenue l’affaire de spécialistes qui scrutent la moindre variation de trafic pour modifier la page d’accueil, identifier les sujets porteurs et publier le bon contenu au bon moment. Ce, afin qu’il soit repris par Google News et donc mieux référencé sur le moteur Google dans un second temps (une fois propulsée par Google News la page gagne en popularité, en commentaires, en partages sociaux… autant de critères qui jouent sur son référencement Google).
Le Geste a organisé le 23 mars 2013 une conférence dédiée aux nouveaux outils d’aide à la décision éditoriale qui vont encore plus loin, en tâchant d’anticiper les attentes des lecteurs. Voici les deux solutions les plus opérationnelles présentées : celle de melty.fr et Trendsboard créée par Benoît Raphaël.
MELTY : LA TOILE DANS LA TOILE
Melty est un site crée en 2008 à destination des jeunes adultes (18-30 ans) qui représente aujourd’hui plus de 13 millions de visites mensuelles (Médiamétrie/OJD – février 2013 tous sites confondus). Un vrai succès, bâti notamment sur un outil maison (et non commercialisé) d’aide à la décision éditoriale développé par leurs jeunes patrons, Alexandre Malsch et Jérémy Nicolas.
Ces derniers ont imaginé un système à la fois original et ambitieux pour déceler les tendances qui agitent le web et les réseaux sociaux. Contrairement aux autres logiciels de tracking, il ne crawle par le web en analysant son contenu pour voir les mots clés les plus récurrents, ni les articles les plus partagés et commentés… Non, il s’appuie sur des balises posées sur chaque contenu produit par ses sites : article, photo, vidéo… et qui permettent de déceler les anomalies, les « vagues d’intérêt » du web. Par effet de résonance, tout lien, partage, commentaire réalisé sur l’un de ces contenus sera immédiatement repéré par melty qui pourra en déduire des enseignements utiles, grâce à des algorithmes puissants.
Mais cela ne peut être efficace que si les balises sont suffisamment nombreuses et diversifiées pour être représentatives d’une tendance globale. C’est là que l’usine à contenus de melty.fr joue son rôle. Entre 350 et 400 articles sont produits chaque jour sur l’ensemble des 9 sites du groupe (News, Fashion, Xtrem, Food, Style, Campus, Buzz… plus les sites espagnol et italien). L’ensemble représente une toile immense posée sur la toile-mère : celle du web. La moindre vibration est automatiquement repérée et traduite en action par les éditeurs du site : écriture d’un nouvel article, remontée d’un papier en page d’accueil…
La colonne de gauche montre comment se comportent les articles déjà publiés : il s’agit de l’analyse « temps réel ». La colonne du milieu, elle, indique la popularité des sujets transverses traités auparavant via des centaines de contenus : PS4, Walking Dead saison 4… C’est là que les éditeurs y lisent les sujets qui montent : c’est la zone « prédictive ».
Mais ce n’est pas tout, car melty.fr a aussi développé un algorithme qu’Alexandre a baptisé de « génétique » et qui permet d’aider les rédacteurs à choisir la meilleure photo. Chacun des visuels de la base s’accompagne d’un indice d’efficacité, calculé sur les taux de clics observés précédemment, et qui s’appuie sur des critères comme la chaleur des couleurs, la résolution ou encore la dramatisation du visuel (gros plan, plan large…)
Ce dispositif se complète d’un outil de veille des autres sites, une sorte de Google Reader maison baptisé « Belharra » (haut fond sur la côte basque qui génère des vagues très puissantes, pour la petite histoire). Belharra permet de suivre les sujets non encore traités par le site et développés par des concurrents. De cette manière, melty peut aussi voir ce qui marche chez les autres, notamment sur les sites étrangers.
Cerise sur le gâteau « monétisation », tous ces instruments d’analyse temps réel des articles servent aussi la régie publicitaire interne qui peut conseiller en amont ses clients sur le choix des sujets, des visuels, des textes ou des meilleurs moments pour communiquer sur telle ou telle cible.
TRENDSBOARD, TABLEAU DE BORD MULTIFONCTION
Benoit Raphaël, ancien rédacteur en chef du Post, qui a participé à la création du Plus et du Lab, s’est associé au « Jedi de l’algorithme » Jean Veronis, comme il l’appelle lui-même, pour développer son outil.
L’idée de Trendsboard est de pouvoir analyser en détails ce qui se raconte sur Twitter et Facebook, et sur Google News, en temps réel. Ce, naturellement, afin d’anticiper les attentes et adapter l’offre éditoriale en conséquence. Il s’agit aussi de réduire les coûts de production en gagnant du temps et de se focaliser sur la valeur ajoutée. Ok, le sujet qui fait réagir aujourd’hui est celui-ci. Quel est le bon angle non traité par les autres ? Celui qui apportera de la satisfaction au lecteur et ne sera pas noyé dans la grande caisse de résonance médiatique.
Le logiciel, accessible depuis un navigateur, fonctionne en crawlant l’index de Google (10 000 sites sources) et des réseaux sociaux. Il repère les sujets intéressants en accord avec la thématique du site et fait des suggestions précises, via une jauge affinitaire de 1 à 10: « vos opportunités du moment »
Trendsboard tâche d’identifier les sujets de conversation populaires, pas les articles. Et ce de manière multi-thématique (150 univers au total) et, à l’échelle nationale, régionale et départementale, mais sur 24 heures seulement, pour le moment.
L’outil analyse aussi les mots clés à la hausse et à la baisse sur une thématique. Il suggère aussi un environnement de mots clés parmi les plus utilisés autour d’un terme, sur une période de sept jours : utile pour le SEO.
Le tableau de bord offre aussi une variété de fonctions utiles : l’importance relative des réseaux sociaux en termes d’apport de trafic, les top referrers (les sites les plus apporteurs de trafic), les thématiques les plus porteuses, la répartition du trafic sur une journée. Il indique aussi la position globale de son site dans le classement des sources et le top/flop par rapport aux concurrents (ci-dessous).
En combinant certaines fonctions de melty et de Trendsboard, on s’approche de Visual Revenue qui optimise l’éditorialisation de son site, à la volée. Ainsi par exemple, le logiciel web permet de tester plusieurs titrages sur un laps de temps court, pour choisir le meilleur. Mais il permet aussi de remodeler les blocs de son site dès que l’audience faiblit.
Les systèmes d’optimisation éditoriale sont donc en plein boom, tant la concurrence des médias en ligne se fait dure et nécessite de nouvelles armes. Mais attention, comme le rappelle Raphaël, ce ne sont que des aides à la décision. Il faudra toujours du « jus de crâne » pour trouver le bon angle, la bonne info à creuser, le bon format à inventer… C’est sans doute là que se jouera la différenciation la plus pérenne, car la plus dure à répliquer.
Cyrille Frank
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A LIRE AUSSI :
« Selon une étude de Twitter présentée sur le site Search Engine Land, 17% des 1 000 premiers requêtes les plus demandées sur Twitter sont éphémères et ne connaîtront qu’une « heure de gloire », disparaissant l’heure suivante ». (source abondance 06/06/2012).
Y-a-t-il un réel profit à attendre du suivi d’une telle cadence?
Bonjour GV,
Excellente remarque et question, ceci dit il faut inverser le ratio et se demander ce que deviennent les 83% restants ? 🙂
Sur le fond, oui, c’est une vrai question : faut-il poursuivre cette course à l’échalote qui consiste à grignoter un peu plus de temps sur son concurrent ? Comme je l’évoque en conclusion, si l’objectif est purement chronologique, cela ne suffira pas.
L’idée est de dégager du temps pour se concentrer sur la vraie création de valeur : le choix des angles, la profondeur des infos, le format de restitution original et pertinent…
Automatiser ce qui est automatisable pour travailler davantage sur le fond. C’est l’objectif de nombreux outils web. Par ailleurs, tout ce qui peut permettre de mieux connaître son public et ses attentes est appréciable. Même si je le répète : il faut apporter au lecteur ce qu’il désire, mais aussi ce qu’il ne sait pas encore qu’il désire.
A bientôt et merci pour ce commentaire 🙂