En 2010, je dénonçais l’apparition de chapelles d’information réservées aux élites instruites, les “ghettos culturels” de riches. Sept ans plus tard, les inégalités d’accès à l’information se sont encore accentuées.
12 juillet 2017. L’ère du tout gratuit de l’information a vécu, avec la fin du mythe du financement unique par la publicité. Il ne reste guère que quelques titres en ligne comme 20 minutes pour proposer un accès entièrement gratuit à leurs contenus. L’information de qualité est désormais sous clé.
En France, 95% des quotidiens et hebdos sont passés en payant ou en modèle mixte (une partie des articles gratuits, une partie payante). C’est ce que révèle cette étude 2017 du Reuters Institute.
Le problème est que les contenus les plus riches, les plus profonds, les plus enrichissants sont désormais inaccessibles au grand public : ceux qui ne comprennent pas forcément la valeur de l’information et refusent de la payer. Ceux-là se privent, sans le savoir, d’un instrument essentiel de progression socio-professionnel.
C’est que mesurer l’importance de l’information, dont le bénéfice est lointain et intangible, nécessite déjà un niveau de connaissance préalable. C’est pourquoi les pratiques culturelles dépendent beaucoup du niveau d’instruction.
L’info gratuite: divertissement, émotion, voire désinformation
Que reste-t-il alors aux moins instruits ? Ces 15 à 30% en difficulté de lecture par exemple. D’abord, il leur reste les articles gratuits des sites d’information susceptibles de faire le plus de trafic : émotionnels, polémiques, spectaculaires. Le divertissement pur.
Il peuvent encore compter sur les journaux télévisés superficiels et dominés par des logiques d’audience qui les poussent à des hiérarchies bancales. Des émissions “d’infotainment”, qui virent de plus en plus à la farce grossière, tel l’édifiant “Touche pas à mon poste” de Cyril Hanouna. Des blogs ou vlogs de “fakes news” et autres sites alternatifs de “réinformation”, qui jouent sur la peur et l’ignorance pour raconter n’importe quoi…
Il reste aussi Google news et désormais Apple news sur mobile qui sont un agglomérat d’infos chaudes sans aucun contexte, ni explication, sauf exception.
Bon, pour ne pas noircir totalement le tableau, ils peuvent toujours écouter la radio du service public : France Inter, France Culture, France Info… Et c’est une des rares bonnes nouvelles du moment : ils sont de plus en plus nombreux à le faire. Même si ces succès d’audience tiennent plus aux humoristes des matinales qu’aux magazines d’information. Mais, chaque année la radio perd entre 200 000 et 300 000 auditeurs… Perte d’audience pas totalement compensée par la progression des podcasts.
Ils peuvent toujours profiter de l’excellent « 28 minutes » d’Arte, mais bon, soyons honnêtes, il ne touche que les plus instruits (2,3% d’audience). Et puis quelques émissions d’information de qualité comme « C’est dans l’air » de France 5 qui réussit à toucher 12,5% de parts d’audience, ce qui est un score incroyable. Mais programmées à des horaires confidentiels (après-midi ou 2e partie de soirée), ces émissions ne peuvent être grand public.
Plus besoin de journal : il y a Facebook et Google
Mais il faut bien que les journaux financent leur production éditoriale, et les journaux papiers d’antan n’étaient pas gratuits (sauf justement les gratuits financés par les petites annonces) – que je sache !
C’est vrai, mais entre temps, l’écosystème de l’information a radicalement changé et a démoli une bonne partie de la motivation d’achat des journaux.
La génération des baby-boomers lisait la presse pour plusieurs raisons.
1- D’abord c’était un vecteur de socialisation incontournable, surtout en région, pour savoir ce qui s’était passé. Les journaux étaient le principal “carburant social”, qui fournissaient les sujets de conversation au bistrot ou à la machine à café.
Les sites d’information en ligne et les blogs ont donc mis fin à cette hégémonie sur l’information (surtout en local), au début des années 2000. Ceci a porté un coup sévère à l’une des motivations d’achat de journaux, en détruisant la rareté de l’information.
Mais ce n’était qu’un début. Avec l’apparition des réseaux sociaux et de Facebook en particulier, cela s’est sérieusement aggravé. C’est désormais le réseau de Zuckerberg qui joue ce rôle social en rassemblant sur une même plateforme, sujets et outils de la conversation.
Les journaux, eux, continuent d’y publier massivement leurs contenus pour gagner une audience qu’ils monétisent très mal, et qui fait surtout le jeu de Facebook. Pour rappel, Facebook et Google ont capté près de 80% des budgets publicitaires sur Internet en 2018, comme le montre le rapport 2018 de l’observatoire de la publicité (p.8).
Pour plagier Gary Lineker, on peut dire que “les réseaux sociaux sont un jeu qui se jouent à des milliers, et c’est Facebook qui gagne à la fin”.
2- On achetait aussi un canard pour trouver les horaires de cinéma, la météo, les petites annonces… Le journal était autant un guide pratique, qu’un instrument pour s’informer. Or, depuis l’irruption d’Internet et de Google, ces services sont accessibles gratuitement en quelques secondes, et de manière beaucoup plus complète sur leboncoin.fr, allocine.fr et autre opodo.fr.
3- Idem pour la 3e motivation d’achat : se faire plaisir, s’amuser, jouer (cf mes 4P du motivation-mix) … Les pures-players, financés par la publicité comme purepeople.fr, ont mis un coup de frein à la rareté de l’info people. Les jeux en ligne et les applications mobile ont concurrencé très fortement les mots-croisés, quiz, sudoku… du papier. Et tous les sites d’info se sont mis à faire de l’insolite, du buzz, du fait divers, qui est une forme de divertissement, comme je l’explique ici.
4- Quant à la dernière motivation : apprendre, comprendre, progresser… elle est, là encore, très socio-dépendante. Les instruits en savent l’énorme intérêt, différé dans le temps. Les autres s’y refusent, parce qu’ils ont des arbitrages compliqués à réaliser ! Manger, aller en vacances, apporter un peu de plaisir et de valorisation sociale à mes enfants (d’où les Nike à 100 euros des familles pauvres qui « choquent » les riches…).
Mort du cyber-flâneur et bulles de filtres
Quel rapport avec le moindre accès à l’information des classes populaires ? Et bien, le journal les mettait en contact, par sa polyvalence, avec des informations qu’ils n’auraient sans doute pas choisies spontanément.
C’est ce qu’a réussi à faire très longtemps Le Parisien, du temps de ses grands tirages. Le quotidien parvenait à diffuser des clés de compréhension du monde, entre deux faits divers et infos people. L’air de rien, par la bande.
Tout comme Ikea nous vend des épluches-légumes design dont nous n’avons que faire, parce qu’ils sont sur notre trajet – jolis et pas chers.
Le journal est à la diversité culturelle ce que les HLM sont à la diversité sociale. Il nous force à regarder, même en diagonale, des chose que nous ne voulions pas voir.
Aujourd’hui, Google nous enferme dans nos propres recherches utilitaires, c’est la fin du cyberflâneur, nous ne regardons que ce que nous sommes venus chercher.
Facebook, lui, nous restreint d’abord aux propositions de nos amis, puis rapidement, à nos propres choix. L’algorithme nous ressert des contenus en rapport avec ce que nous avons consulté auparavant. C’est la fameuse bulle de filtres, dont on a beaucoup parlé durant la présidentielle, et qui rétrécit notre horizon à la tribu, et à nos clics préalables.
On peut, comme Frédéric Cavazza, accuser les gens eux-mêmes de leur médiocrité.
J’estime au contraire que ces nouvelles plateformes renforcent les inégalités sociales initiales, liées à une différence d’instruction. Une trahison terrible des espoirs d’ouverture, d’égalité et d’émancipation qu’offraient les nouvelles la technologies de l’information.
Le service public doit se réformer !
Puisque la publicité ne peut plus financer l’information des pauvres et moins-instruits, il reste à financer cette information par l’impôt.
C’est l’objet des aides de l’Etat à la presse qui financent le pluralisme de l’information politique et générale. Sauf que ces aides sont plus devenues un dispositif de soutien à l’emploi des entreprises de presse (papier), qu’un réel vecteur de diversité de l’information, ou de soutien à l’information de qualité.
Il faut donc revoir dans un premier temps les critères d’attribution de ces aides, et diversifier les récipiendaires qui peuvent y prétendre. Notamment en augmentant le montant des aides (indirectes) attribuées aux pure-players qui proposent de l’information de qualité. Il ne s’agit pas de sauver des journalistes, mais bien de sauver le journalisme !
Ensuite, cela passe par la télévision, qui reste le mode d’information principal des Français (48%) et qui doit monter encore en qualité. Des progrès ont été faits sur les débats télévisés sur France 2. La chaîne publique fait désormais appel à des experts, utilise enfin le fact-checking en temps réel comme je le réclamais dès 2012, essaye d’améliorer sa pédagogie…
Mais on est encore loin d’un niveau satisfaisant des débats, encore trop axés sur le spectacle et la polémique. Pourquoi entrer dans le jeu des politiques qui décident des sujets dont on doit discuter ? “L’agenda setting” de Mc Combs et Shaw est désormais beaucoup plus décidé par les politiques que par les médias. Non, la “crise des migrants” n’est pas un sujet prioritaire en France ! Non, l’insécurité n’a pas explosé, inutile d’en faire des tonnes !
Pourquoi rebondir sur la première polémique, la petite phrase, le débat à quatre sous qui ajoutent du bruit aux vraies questions ? Pour faire de l’audience publicitaire et limiter l’augmentation de la redevance ? Ou pour flatter l’égo des producteurs élevés à la culture de l’audience ? Peut-être simplement par suivisme…
Il y a certes un équilibre compliqué à trouver entre agrément et profondeur, car si vous ne faites que de la profondeur, les classes populaires iront voir TF1. Du point de vue de l’audience, David Pujadas laisse un très bon bilan.
Mais, pour moi, il a trop joué l’émotionnel au détriment de l’explication, la pédagogie, la contextualisation, le fond. C’est donc une victoire à la Pyrrhus. Un peu comme lorsque la droite fait barrage au FN en utilisant ses arguments xénophobes.
Enfin, ces mêmes logiques d’audience doivent aussi être repensées sur les sites Internet du service public. Web qui informe désormais un quart des Français (en hausse de cinq points sur un an).
Là encore, la course au buzz doit céder la place à la hiérarchie, la vérification, l’enquête… Avec pédagogie, dans des formats attrayants, impactants, clairs… Peut-être un moyen de restaurer la confiance des Français en leurs médias, en leurs institutions et en la démocratie.
Evidemment, cela représente un coût par les moindres rentrées publicitaires. Mais il y a par ailleurs tellement d’économies à réaliser sur la production télévisuelle publique !
Il y a encore bien d’autres solutions à envisager pour améliorer la qualité de l’information du plus grand nombre. Une chose est sûre : les inégalités d’accès à l’info de qualité s’accentuent. C’est une mauvaise nouvelle pour la cohésion sociale et la démocratie.
Cyrille Frank
Retrouvez-moi sur Twitter, Linkedin ou Instagram
A LIRE AUSSI
Un article juste et divinement écrit. Dans notre societe, le choix d’être instruit (car, oui, c’en est un !) est de plus en plus perverti par la tentation d’une vie renfermée sur soi, une bulle sans relief dans laquelle il fait bon ne pas trop réfléchir… Je suis en revanche convaincue que cette tendance touche tous les milieux sociaux. De même que la volonté d’y résister… Le vrai journalisme mérite d’être défendu pour que tout le monde puisse retrouver sa faculté de penser, et que la valeur de la liberté depasse celle de la bêtise…
Merci infiniment Florence, vous me flattez ! ^^
S’instruire est à la fois un choix individuel, et une probabilité sociale. C’est pourquoi il n’y a ni déterminisme, ni fatalité fort heureusement.
Mais, hélas les statistiques sont cruelles. Il y a assurément une responsabilité individuelle, on ne saurait accuser la société de tous les maux. Mais, l’on sait aussi que l’accès gratuit à l’information et la culture sont une condition, sinon suffisante, du moins préalable à l’égalité socio-culturelle. Même si je suis convaincu que beaucoup se décide avant, à l’école, les médias peuvent permettre à certains de « rattraper un peu les wagons et d’éclairer le choix citoyen. Le journalisme de qualité, indépendant, hiérarchisé, de rofondeur mérote d’être soutenu, mais aussi accessible au plus grand nombre ^^
Merci pour votre commentaire et bientôt !
Cyrille
Pour moi les vrais informations se trouve sur internet, et souvent gratuitement. Les conférences et les débats y sont bien plus sérieux et on évite la pensée unique mais il faut se faire un avis par soi même et cultiver l’esprit critique. Je me demande bien quel média payant vous semble tellement plus instructif ? étranges de ne pas les citer. Vous parlez de l’émission c’est en l’air. Si celle ci me semble un peu mieux que d’autres et invite des personnalités qu’on voit moins ailleurs, je ne trouve pas qu’elle s’écarte tant de la pensée unique qu’on observe dans les grands médias. Et puisque vous êtes bien informé savez vous vraiment ce que sont les target2 et les gope ? Comprenez vous réellement le fonctionnement de l’ue ?
Bonjour Pierre, je ne doute pas qu’il y ait des bonnes choses sur le web, j’en ai vues quelques-unes (des blogueurs remarquabpes comme « passeur de science » par exemple. Le problème est que le pire cotoie le meilleur et sous prétexte de « r »information » ou de s’écarter de la pensée unique comme vous dites, il y a d’énormes bêtises qui circulent.
Je ne prétends pas tout savoir et de fait target2 ne me dit tien, pour les deux autres, oui je sais plutôt bien comment ils fonctionnent, et notamment les défauts de l’ue. L’Europe est un sujet que je suis depuis 15 ans. Beaucoup de bêtisse sont dites sur les pouvoirs réels de la Commission par exemple, mais il y a effectivement des défauts de représentation démocratique, en raison du nombre des membres et leur très grande hétérogénéité (liée à un élargissement trop précoce sas, intégration fiscale et sociale).
Ce qui est dit là est une grosse bêtise qui confond la valeur des traités (en effet supérieurs à la loi nationale dès lors qu’ils sont adoptés par chaque parlement) et les recommandations de la Commission qui peuvent être discutées et remises en cause par la cour de justice des communautés européennes http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-secret-bien-garde-les-grandes-190719
C’est le rôle des journalistes spécialisés d’éviter ce genre d’énormités, par leur travail et surtout le recours à des experts (juridiques/politiques). ce qui n’interdit pas l’erreur bien sûr. Mais notre plus grand manipulateurs, c’est nous et notre volonté de croire des inepties http://www.mediaculture.fr/desinformation-manipulations-le-public-est-il-son-propre-bourreau/
La vérité est ailleurs, on nous ment, on nous cache tout : Dutronc avait déjà tout dit dès les années 60)
Bien cordialement
Bonjour Cyrille !
Je suis d’accord avec toi: Facebook est nocif pour les internautes.
Cela dit, je pense, comme Frédéric Cavazza, que la bulle de filtres n’est rien d’autre que le résultat des choix des internautes.
Il est complètement logique d’avoir accès à des contenus qui correspondent à ses valeurs et préférences et à celles de ses tribus (professionnelle et personnelle).
Un électeur du parti socialiste n’a a priori aucune envie de recevoir tous les jours l’actualité de Marine Le Pen. Ça ne serait pas de l’ouverture, dans ce cas-là, mais de l’adhésion.
Là où je diverge avec Frederic Cavazza, c’est dans la solution proposée. Je ne pense pas qu’il faille éduquer les utilisateurs comme il le préconise. Qui peut décréter de la nature des contenus que les internautes doivent consommer? On ne peut pas les forcer à lire ce qu’ils ne veulent pas lire.
Pour illustrer mon propos, ça peut choquer certains riches qu’une partie des pauvres préfèrent acheter une paire de Nike à 100 euros à leur enfant au lieu d’un abonnement mensuel au pure-player Mediapart par exemple.
Mais, d’un autre côté, cela peut être aberrant pour certaines personnes pauvres qu’un riche puisse décider de prendre d’abord un abonnement mensuel au site internet de Rue89 au lieu d’investir dans l’achat d’un exemplaire du Coran par exemple.
Bref, c’est une question de point de vue et de priorités.
À mon avis, la presse en ligne doitt mettre en place des stratégies d’inbound marketing. Ce sont les lignes editoriales qui doivent bouger et être davantage user-centric (pas putaclic hein) :
– Apporter des contenus pertinents et utiles à la cible visée pour générer des leads.
– S’intéresser davantage aux besoins des prospects et y répondre tout simplement pour les inciter à passer à l’action et à s’abonner à la presse en ligne.
Bonjour Nourdine,
je retrouve bien là tes points de vue qui n’ont pas changé ^^
Thèse de la liberté (et donc de la responsabilité), vision de la droite libérale depuis Smith et Tocqueville.
Je m’inscris naturellement en faux par rapport à cette idée là, car je pense que nous ne sommes majoritairement pas libres, même si, pas totalement déterminés. Il y a de très fortes corrélations sociales, comme le montrent les études sociologiques depuis les années 50.
Le « si tu veux, tu peux » et la fameuse « méritocratie » sont une sublime arnaque destinée à punir doublement les moins instruits (je ne parle pas de niveau économique, mais bien de capital social et culturel) : « si vous n’y arrivez pas bandes d’abrutis, c’est que vous ne le voulez pas assez ».
Alors que les chances ne sont absolument pas les mêmes au départ.
Je crois que tu n’as pas compris le fonds de mon propos. Il ne s’agit pas de décider de ce qui est bon ou pas pour autrui. J’ai écrit un long article pour dire le contraire http://www.mediaculture.fr/culture-sociologie-bourdieu-domination-normes/
Il s’agit de donner au plus grand nombre un maximum de chances. Aujourd’hui, celui qui regarde le « Big Deal » tous les soirs ou « Touche pas à mon Poste » aura moins de chances de s’en sortir socialement, que ceux qui lisent le Monde, Médiapart, des livres de culture classique, ou regardent les émissions de débat comme 28 minutes. Pourquoi ? Parce que ces derniers seront mieux préparés aux attentes sociales des recruteurs, ils auront une culture générale plus grande, seront globalement mieux valorisés socialement, ce qui est un moteur décisif d’ascension économique.
Sur le plan de la valeur intrinsèque des contenus, je valorise tout ce qui permet l’ouverture d’esprit, la réflexion, le doute. Ces contenus élèvent l’Humanité contrairement à tout ce qui est dogmatique, fermé, définitif. Ce n’est pas tant le support d’ailleurs qui importe que le process : on peut passer une vie à étudier la Bible, la Torah ou le Coran et devenir chaque jour plus malin, plus ouvert. Ou au contraire se contenter d’appliquer à la lettre une règle, sans se poser de question : triomphe de la machine, défaite de l’Homme.
Je pense que l’égalité et la liberté de nos sociétés sont des leurres. Non seulement la reproduction sociale s’accentue, mais au plan culturel, celui qui ne se conforme pas aux attentes implicites de la sociétés se prépare à de grosses déconvenues.
Plus fondamentalement, pour moi, la seule liberté dont on dispose, c’est de comprendre dans quelle mesure et par quels mécanismes nous sommes enchaînés, pour pouvoir limiter les dégâts, à la marge. Socrate reste mon modèle 😉
Mais je crains que sur ce point, nous ne soyons pas d’accord du tout ! Ce sont deux idéologies totalement antagonistes, qui distinguent la droite de la gauche depuis toujours. Et comme souvent, la réalité se situe entre les deux. Ni totalement déterminés, ni vraiment libres. Et selon moi, majoritairement contraints, avec une grosse part d’aléatoire (les interactions, les rencontres, les découvertes…). Je mérite peu ce qui m’arrive, j’ai surtout eu beaucoup de chance ! Mais sans un minimum d’effort, je ne serais pas là non plus. ^^
Cyrille
Rebonjour Cyrille,
Content d’échanger une nouvelle fois avec toi. Je constate à mon grand regret que ton esprit humaniste très prononcé n’a pas bougé d’un poil non plus.
Je ne connais ni Smith, ni Tocqueville. Faut croire que je fais partie des moins instruits. Ce qui est sûr ce que je ne suis ni de droite, ni de gauche, ni de tout autre parti politique. Cela va peut-être t’étonner (ou pas) mais le seul parti dans lequel je me range est celui de Dieu dont j’ai lu plusieurs fois le dernier des Livres Sacrés. Comment parler de livres sans parler de celui qui transmet littéralement la Parole de Tout Miséricordieux ?
Je crois que, toi non plus, tu n’as pas compris le fond de mon propos. Peut-être n’ai-je pas été assez clair: moi non plus je ne pense pas que nous soyons libres. Et heureusement d’ailleurs, sinon, ça donnerait des émissions télévisées qui encouragerait les hommes à se marier entre eux en toute légalité, des publicités dans les magazines pour des drogues comme l’alcool et la cigarette qui détruisent la santé, des paquets de livres encensant la légalisation de l’avortement qui tuent des vies.
Ah mais non… ça existe déjà ça en fait. Au fond, je pense que ceux qui sont réellement libres (c’est à dire affranchis de la pression sociale) sont ceux qui ont le commandement dans la société française ou dans tout autre société, qu’ils soient justes ou injustes.
Tu affirme qu’il ne s’agit pas de « décider de ce qui est bon ou pas bon pour autrui » mais quelques lignes plus loin, tu parle de la valeur « intrinsèque » des contenus en expliquant, très subjectivement (et de façon contradictoire) pourquoi tu en valorises certains sur d’autres. Finalement, on ne peut sortir de son cadre de référence (Ce commentaire en est aussi la preuve). Quoi qu’il en soit, on se rejoint ici : moi aussi, je pense qu’il y a une hiérarchie livresque.
Concernant le « si tu veux, tu peux » je crois que tu analyses les différentes logiques françaises par le petit bout de la lorgnette. Là où je veux en venir, c’est que les pauvres et les moins instruits n’ont pas forcément le même objectif que toi dans cette vie : acquérir le capital social et culturel qui épatera le patronat dans l’espoir d’une vie meilleure en mode « YOLO » (D’ailleurs, notons que l’une des meilleures ventes de livres en France cette semaine est, je te le donne en mille : « Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une », tout un programme).
Il y a, parmi les plus pauvres et les moins instruits, des personnes qui passent leur vie à préparer leur vie future. Des gens qui font les causes pour traverser cette vie dans les meilleures conditions possibles (Via le travail notamment) tout en se posant la question journalière : « Comment puis-je atteindre le degré le plus haut du Paradis ? » Des personnes dont le travail n’est qu’une cause pour se rapprocher de Dieu. (Ici je m’attarde sur le prisme musulman, mon prisme mais c’est, bien sûr, un prisme parmi d’autres.)
Comme je te le disais, c’est une question de priorité : certains veulent la vie d’ici-bas, d’autres veulent avoir l’agrément du Très-Haut et la vie future. Et ceux-ci ne se considèrent pas forcément moins bien lotis que toi. Peut-être même mieux lotis. Tout dépend encore des priorités.
Je suis convaincu que ce que tout ce qu’on acquiert tout au long de sa vie est écrit. Tu peux faire des pieds et des mains, tu n’auras, ni plus, ni moins. Et je te mets au défi de me prouver le contraire (Après avoir lu le Coran bien sûr. Penses-tu une seconde que la Parole de l’homme, tout Socrate soit-il, peut égaler celle de Dieu ?)
Je ne crois pas en la chance mais au destin. Personne n’échappe à son destin. Tu peux avoir un Bac + 12 et être chef d’entreprise à qui tout réussit et te retrouver SDF du jour au lendemain. Si tu parles de chance au sens d’opportunité alors chacun doit faire des efforts et aider son prochain à profiter des opportunités. Mais, « at the end of the day », notre destin, riche ou pauvre, est de toute façon définit alors que l’on est encore dans le ventre maternel.
Ne te méprends pas, je ne fais pas là l’apologie des « junk media » que représentent Hanouna et autres Facebook mais je trouve ton raisonnement élitiste et surtout étriqué.
Toi, ce qui t’importe, c’est le process, moi, c’est clairement la finalité. Je suis convaincu qu’il y a une vie future et que cette vie actuelle n’est qu’un test où nous devons humblement nous efforcer d’être le meilleur possible. Le triomphe de la machine ? Quelle machine ? Celle créée par l’homme qui est lui-même créé par Dieu ?
Je pense que tu es beaucoup trop pessimiste Cyrille. Tu devrais peut-être arrêter Socrate lol. Pour moi, ce sont les objectifs existentiels que l’on se fixe dans sa vie qui peuvent nous permettre de trouver l’épanouissement et le bien-être individuellement et collectivement ici-bas. Après tout, n’est-ce pas le plus important ?
Bref, chacun a sa définition de la science (au sens de savoir) la plus salutaire pour lui ou elle. Pour moi, c’est le Coran. Car il permet de connaître Dieu, ce qu’il y a après a mort et de s’y préparer.
Puis-je te demander quelle est la tienne ? Et pourquoi ?
Nourdine
« Je constate à mon grand regret que ton esprit humaniste très prononcé n’a pas bougé d’un poil non plus. »
Quel dommage, pour moi c’est un grand compliment, humaniste…
« Ce qui est sûr ce que je ne suis ni de droite, ni de gauche, ni de tout autre parti politique. »
Je constate que tu te conformes à l »idéologie de droite la plus dure, sur le double axe (liberté-moeurs), mais comme tu n’as pas de repère, tu ne t’en rends pas compte.
« sinon, ça donnerait des émissions télévisées qui encouragerait les hommes à se marier entre eux en toute légalité, des publicités dans les magazines pour des drogues comme l’alcool et la cigarette qui détruisent la santé, des paquets de livres encensant la légalisation de l’avortement qui tuent des vies. »
Tu es contre l’homosexualité, l’avortement, l’alcool, Bienvenue au moyen-âge, quelle régression.
« Tu affirme qu’il ne s’agit pas de « décider de ce qui est bon ou pas bon pour autrui » mais quelques lignes plus loin, tu parle de la valeur « intrinsèque » des contenus en expliquant, très subjectivement (et de façon contradictoire) pourquoi tu en valorises certains sur d’autres. Finalement, on ne peut sortir de son cadre de référence (Ce commentaire en est aussi la preuve). Quoi qu’il en soit, on se rejoint ici : moi aussi, je pense qu’il y a une hiérarchie livresque. »
Et oui, cela s’appelle la complexité. Mais comment parler de cette complexité avec celui qui a choisi le simplicisme du dogme ?
Sur le fond; je continue de penser que croire ou ne pas croire, n’est pas affaire de raison http://www.mediaculture.fr/croire-ou-ne-pas-croire-la-raison-ne-fait-rien-a-laffaire/
Mais, toi tu crois au destin ! La fin de la liberté, la fin de l’homme. Obscurantisme le plus noir.
On t’a retourné le cerveau mon pauvre. Mais surtout, j’espère que tu ne feras de mal à personne.
Adieu mon ami, tu es été avalé par la machine, je te donne toute ma force pour que tu en reviennes.
Cyrille
« Sans repère », moyen-âgeux, obscurantiste et potentiellement dangereux pour autrui… Ben dis donc heureusement que je ne suis pas face à toi car j’ai l’impression que je pourrais finir la tête au bout d’une fourche lol.
Nos points sur le sujet sont effectivement inconciliables.
Cela dit, si tu passes au Caire où je vis actuellement, je te recevrais avec grand plaisir Cyrille si Dieu le veut car les échanges avec toi sont passionnants et enrichissants malgré cette exception indubitable à la règle.
Au plaisir,
Nourdine
J’y suis allé fort, c’est vrai ! Mais non, aussi durs que soient les échanges, il faut qu’ils puissent avoir lieu, sans violence ! Cf Voltaire : « je suis opposé à vos idées, mais me battrai pour que vous puissiez les exprimer ». enfin, sauf qu’il y a une propagande massive financée par les pays du Golfe et l’Arabie Saoudite, payée par les pétro-dollars pour diffuser une vision bien particulière et politique de l’Islam; il ne faut pas être naïf non plus.
Je suis déçu inquiet, en fait, car tu as opté me semble-t-il pour un chemin que je trouve très dangereux, et contraire aux valeurs que je défends.
En gros, la charia, la domination patriarcale, et la restriction des libertés individuelles. Ce que j’appelle en effet l’obscurantisme, quelle que soit la religion concernée. Mais je me trompe peut-être (j’espère) sur tes convictions !
La religion doit rester spirituelle et ne pas se préoccuper de politique, sinon cela conduit aux pires excès, comme en témoigne une multitude de précédents historiques, récents ou anciens.
Quand je parle de « sans repères », je parle de repères politiques, puisque tu m’as confié ne pas avoir lu Tocqueville, ni Smith. C’est la connaissance ds idéologies de chacun qui permet de les placer sur des axes (repères : liberté individuelle/collective – liberté économique/ morale / ouverture ou fermeture nationaliste / universalisme ou régionalisme…). c’est pourquoi il est toujours utile de relire les philosophes et politiques qui ont fondé les grades théories inetllectuelles : Robespierre, Brissot, Bentham, Marx, Proudhon… Je ne parle pas de tes repères personnels, je pense juste qu’on n’a pas les mêmes sur ce point.
L’Islam que l’on entend le plus est celui qui justement fait une intrusion politique dans les sociétés, c’est dommage car ce n’est pas le seul Islam qui existe.
Beaucoup de musulmans estiment que le Coran ne doit pas rester un texte figé par une interprétation littérale, pas plus que la Bible ou la Torah. C’est l’esprit qu’il faut garder, pas la lettre.
Encore une fois l’Homme est ce qu’il est car il a accepté un jour de dire : je ne sais pas, et je vais essayer de comprendre. Les « purs » (rigoristes) de la religion disent au contraire : tout ce qu’il faut savoir est dans ce livre, et avec cette interprétation, protégée par des gardiens qui font évoluer le sens à leur gré, selon leur vision intéressée du monde (ainsi du voile intégral qui ne figure nulle part dans le Coran comme une obligation, si ce n’est se couvrir les cheveux). Cela leur permet de confisquer le pouvoir au détriment des femmes, quelle régression !
Croire au destin, c’est nier toute liberté à l’Homme. Moi je crois qu’il lui reste quand même une petite marge de liberté, malgré ses nombreuses contraintes. Mais cela reste une croyance pas lus défendable que la tienne. Mais qui est le plus pessimiste de nous deux ?
Merci de ton invitation Nourdine, tu es quelqu’un de bien, mais tu as compris que je n’approuve pas la vision du monde que tu défends et promeus.
Et j’espère que tu vas dépasser ces croyances (anti-homosexualité, anti-avortement, anti-alcool et j’imagine aussi anti-nudité etc., anti-travail des femmes etc. ), que je considère comme un sévère retour en arrière dans l’histoire de l’Humanité. Je sais que nous sommes à une période où chacun cherche du sens qui lui échappe, mais ce simplisme est pour moi une solution de facilité intellectuelle, un placebo rassurant. Tu cherches rétribution au paradis, moi je n’y crois pas, et pourtant, cela ne m’empêche pas de chercher quand je le peux à faire le bien. L’homme n’a pas besoin de la religion pour se conduire bien (là encore, il est utile de lire les gens qui ont réfléchi longtemps à cela, notamment Kant – critique de la raison pratique) ^^
A une prochaine !
cyrille
Bonjour Cyrille,
Cet article est juste et bien écrit. C’est même au-delà de juste, il expose très précisément ma vision (beaucoup moins éclairée que la tienne je te l’accorde) des médias aujourd’hui.
La question de l’éducation est fondamentale. Je ne suis pas en accord avec le « à chacun la responsabilité de ses lectures ». De ses pérégrinations sur le web ou ailleurs. Cela revient aussi au « chacun peut s’en sortir quel que soit son milieu ». Sans nous en rendre compte, nous avons tous une base. Je m’aperçois que mes sœurs ont fait de bonnes études. Elles lisent et écrivent beaucoup. J’aime cela également. Au départ, pourtant, je pensais effectivement « à chacun de se prendre en main, si nous sommes comme ça c’est que nous le voulons, on peut tous sortir de son milieu et se révéler…» et bien l’expérience m’a fait changer d’avis ! C’était le discours d’un enfant gâté. De ceux qui ne se rendent pas compte qu’on acquière pas les choses si facilement. Il y a des exceptions, mais ce sont des exceptions. Et si le système a permis, effectivement, a beaucoup de sortir d’un milieu pauvre, c’est parce que des parents et une éducation y ont aussi contribués.
J’ai fait des études, mais c’est avant tout mon éducation et l’expérience de bénévole à la radio qui m’ont appris énormément de choses concernant les médias. J’y ai trouvé une constance, une équipe curieuse, et un cercle de réflexion incroyable avec une succession d’invités tous plus intéressants les uns que les autres. Nous parlions des émissions d’Elisabeth Quin que nous suivions, mais comme nous aimions tout voir, nous abordions d’autres sujets et médias. Aujourd’hui encore, je me sert de cette expérience et j’envoie régulièrement aux professionnels de mon entreprise un reportage, un article, une vidéo…en lien avec le domaine d’activité dans lequel je travaille. Ils regardent ou pas, mais j’essaye de les orienter comme je peux. Car j’ai conscience que regarder dans la bonne direction n’est pas chose facile.
C’est comme l’alimentation. Les personnes vont souvent au moins cher. A ce qui se voit le plus facilement. Les stratégies en ce sens sont très affûtées. Mais pour manger bien, il faut prendre le temps d’acheter de bons produits, y mettre de l’argent et du temps. Je ne jugerai pas ces parents pauvres qui achètent Nike à leurs enfants, c’est une manière pour eux de se faire une petite place. De se dire qu’ils ne sont pas « moins que rien ». Comme ceux que je croise dans les métros, vêtus de rien mais munis d’un Iphone à la main. La société nous fait entendre « je consomme donc je suis », tout est dans l’image. En revanche, pour l’instruction la donne change. Les personnes ayant peu de revenu, pour la plupart car je déteste généraliser, ne vont pas se tourner vers du contenu riche. Pour autant, je reste persuadée qu’avec peu de moyen, on peut s’acheter un ou deux bons médias dans la semaine. On peut également zapper sur la 5 ou la 7. Ce n’est donc pas qu’une question de moyen, mais d’arbitrage.
Pourtant la vie offre son lot de paradoxe. Je me souviens d’une amie à Sciencescom, avec une tête bien faite, me disant regarder « Touche pas à mon poste ». Je ne pouvais pas m’empêcher de lui demander « mais pourquoi ? ». Elle me voyait choquée en me disant « c’est pour me vider la tête » (expression que je n’aime pas d’ailleurs). Qu’une étudiante en master se vide la tête avec cette émission, surtout une fille intelligente, me laisse encore sans voix. Si ces émissions arrivent à toucher ces personnes, quelles sont leurs recettes ? En revanche, pour ces étudiants j’ai peine à « pardonner ».
Il y a les parents, mais c’est aussi à l’école que nous devons être guidés. Je n’ai pas le souvenir de professeurs ayant évoqué l’importance de bien cibler un média. J’ai vraiment abordé ce sujet en école supérieur. Je pense aussi qu’il faut tout lire. Inciter les élèves à consulter des articles de différents médias sur un même thème et observer les angles puis en échanger. J’ai beau adorer Elisabeth Quin, je fais parfois des pauses plusieurs semaines pour aller vers autre chose. De même avec les « experts », moi je m’en méfie un peu. Certains invités en deviennent parfois chroniqueurs (du temps de Calvi dans C dans l’air c’était un peu le cas, même si j’aime cette émission que je ne suis plus en revanche). Je pense qu’il faut une pluralité de personnes et de points de vu pour vraiment se faire une idée. Mais se faire une idée c’est aussi un exercice de réflexion, et ce n’est pas facile et donné à tout le monde. Même aux instruits.
Si 95% des quotidiens et hebdos sont passés en payant, le monde rapide dans lequel nous vivons ne va pas aider non plus. Les gens aiment s’informer rapidement (je pense) et s’informer bien, tout comme manger bien, demande du temps. Notion non négligeable lorsqu’on traite des médias. On a vite fait de se sentir envahi par l’info. Pour ma part, je lis le1 et le Monde (hélas pas en entier faute de temps justement), regarde arte, et écoute France inter. Et je change suivant les saisons ! Si les personnes en choisissent peu mais les lisent bien, c’est déjà une potentielle marge de progression. Après il faut avoir l’envie de bien cibler.
Je terminerai sur la TV, c’est un média que je défends. J’ai souvent des amis qui me disent, « nous n’avons pas de télévision à la maison non non au diable les écrans ». Faisant passer ce média comme support populaire et médiocre. Non.
Je me souviens d’un chroniqueur intervenu lors d’un débat sur la culture. Il a défendu la télévision en disant « l’instruction ne passe pas uniquement pas le seul fait de lire et certaines personnes curieuses en savent beaucoup grâce à ce support ». Nous sommes d’accord, il y a des bases, des repères, qu’elles auront moins. Je pense à mes voisins âgés, me faisant toujours un résumé de leurs émissions intéressantes. Avec leurs yeux qui brillent ! « Un formidable moyen de voyager tout en restant assis » me dit Philippe. La télévision, il ne faut pas trop la regarder certes (mais n’est-ce pas le cas pour l’ordinateur ?), mais il faut savoir regarder les bons programmes. Lorsque Michel Serres dit « nous avons gagné 3h d’espérance de vie par jour mais c’est exactement le temps moyen passé devant la télévision, donc nous le perdons », le perdre, oui et non. Je conçois que 3h c’est trop, mais 1h devant un bon programme ne me semble pas être du temps perdu.
Bon je pérore beaucoup trop. Je voulais juste dire que cet article est très riche et que nous devrions tous parler un peu plus de l’importance des médias de qualité. La démocratie tient avec une pluralité de choses. Dernièrement un ami s’est offusqué que je la dise fragile. Certes, mon côté marseillais (pour une bretonne c’est dommage) fait que je suis peut-être aller trop loin. Mais lorsqu’on voit les détenteurs des médias et bien d’autres choses, ça pose vraiment question.
Merci encore pour cet article et à bientôt.
Marie-Cécile
Merci Cécile !
Et bien nous sommes tout à fait en phase en effet, et je m’en réjouis. Nous évoluons dans un univers de personnes favorisées socialement qui ne mesurent pas toujours la chance qu’ils ont eue, même s’ils n’ont pas forcément démérité pour autant. Ce terme de « mérite » est piégé, car il induit en contrepoint que ceux qui n’y arrivent pas, méritent leur sort. Ce qui est le plus souvent faux. Cette idée de « mérite » est surtout la justification morale (républicaine) aux inégalités les plus injustes.
Tout à fait d’accord avec la défense du média télé, ou de tout autre média d’ailleurs. Tout dépend du contenu regardé, et plus encore, du regard porté sur ce contenu. Nos acquis préalables, nos habitude de pensée, nos méthodes d’analyse qui nous sont personnels font que chaque expérience est unique. Nous ne voyons pas tous le même film, la même série, la même émission. C’est pourquoi, nous sommes si étonnés des goûts et interprétations d’autrui. Comment peut-on apprécier « Indépendance Day » ou bien les absurdes Monty Python (je suis fan) ? C’est la fameuse question philosophique de l’intersubjectivité limitée par notre perception et notre expérience.
Pour autant, tout ne se vaut pas ! S’il faut se méfier de tout élitisme savant, il faut aussi écarter le relativisme culturel qui fut si à la mode chez nos intellectuels de la gauche bien-pensante. Non, Hanouna ne vaudra jamais Platon ! Et il y a des programmes qui font plus réfléchir que d’autres. Mais comme tu fais une comparaison avec l’alimentation (que j’affectionne aussi), je dirais que c’est surtout une question d’équilibre. Il faut de tout, y compris pourquoi pas, à petite dose, du programme débile. Pourquoi ? Parce qu’à ne regarder que des émissions intellos, on se coupe du monde commun.
Ces émissions sont le reflet de notre monde qu’on le veuille ou non, il faut y jeter un oeil pour mieux le comprendre. Je ne crois pas que Voltaire se couperait de cet instrument pour analyser ses contemporains du 18e s !
Hélas la démocratie est en effet un bien que l’on pense éternel, alors que je la vois de plus en plus chahutée. En premier lieu par l’aggravation des inégalités socio-économiques et culturelles. En deuxième lieu par l’effet de déstabilisation géopolitique de ceux qui veulent nous imposer leur mode de vie religieux ou sectaire. Une revanche de ceux qui ont subi autrefois l’impérialisme des colonisateurs occidentaux et ont appris à retourner l’arme de la mondialisation contre nous. En troisième lieu, par le recul gravissime de la raison qui met toutes les croyances au même plan (relativisme intellectuel) et conduit à une fragmentation sociale toujours plus grande : ceux qui ne croient plus à la médecine, à la science, à l’histoire et se réfugient dans des croyances « alternatives » bien plus fausses et dangereuses…
Merci à toi pour ton long et riche commentaire, et au plaisir de se recroiser 🙂
Bises
Cyrille