Ferréole Lespinasse a publié un ouvrage pédagogique et riche sur les bonnes pratiques éditoriales et le marketing de contenus. Elle y détaille notamment les clés pour déployer une stratégie « d’employee advocacy », les fameux employés-ambassadeurs de l’entreprise.
L’auteur a interrogé près du vingtaine d’experts de leurs domaine – dont moi – pour appuyer ses recommandations d’exemples et de cas concrets.
Pour Olivier Cimelière, consultant en communication d’entreprise (et l’un des contributeurs des Eclaireurs de la com’* :
« La démarche salarié ambassadeur est un formidable atout de crédibilité pour une entreprise. La voix du salarié bénéficie d’un fort taux de confiance, tandis que celle du pdg s’érode et est mise en doute. […]
Les collaborateurs parlent de leur entreprise et souvent en bien. Bien sûr certains règlent leurs comptes sur les réseaux sociaux, cela existe, mais globalement les gens sont fiers. »
Comme l’illustre Carine Gouriadec, consultante en stratégie éditoriale :
« Si je dis que l’ambiance de travail est agréable, que je l’illustre avec un selfie pris en plein team-building où des collaborateurs en basket affichent un large sourire, signant mon post d’un hashtag derrière lequel s’agrègent des dizaines d’autres sportifs d’un jour, le message est bigrement percutant. »
L' »employee advocacy » est donc une façon pour l’entreprise de rayonner sur les nouveaux supports d’expression, par la démultiplication des prises de parole, mais surtout par la crédibilité et la sincérité de celles-ci.
Déléguer, donner l’exemple, accepter les risques… le succès est avant tout question de culture
Avant toute chose, les managers doivent être convaincus du bien-fondé de la démarche d’ambassadeur. C’est encore mieux si la direction – elle-même – utilise les réseaux sociaux. Rien de tel que de montrer l’exemple.
En réalité, la réussite d’un projet de communication par les salariés-ambassadeurs n’est pas tant technique que culturelle, comme souvent, lorsqu’on parle de « transformation numérique ».
Il faut vraiment que les hauts dirigeants comprennent et intègrent la fin de la communication descendante. Il y a désormais négociation, discussion, horizontalité de la communication. Sans compréhension de ce changement profond de paradigme, toute stratégie de diffusion sur les nouveaux supports est vouée à l’échec.
Attention aussi à l’obsession du contrôle ! Il en va des salariés-ambassadeurs comme du management : il faut savoir déléguer. D’une manière générale, déléguer, c’est accepter que les choses soient plus mal faites que si on les faisait soi-même (ou en tout cas, selon ses propres critères).
Le salarié n’est pas un porte-voix ! C’est un allié qui doit être autonome et qui a la liberté de créer. Il faudra parfois, accepter que les propos tenus ne soient pas totalement alignés sur la stratégie. Ou ne pas s’offusquer si la manière de le dire n’est pas conforme à l’idée qu’on se fait d’une communication digne de ce nom.
C’est précisément cette authenticité, cette spontanéité non-standardisée qui fait toute la sève de ces publications. Ne gâchez pas tout en cherchant absolument le « zéro aspérité ».
Les 10 clés de succès d’un projet « salariés-ambassadeurs »
Carine Gouriadec a résumé l’ensemble des étapes et conditions nécessaires au développement efficace et harmonieux des salariés ambassadeurs :
1- Identifiez des référents les plus agiles sur les réseaux sociaux. Inutile de mener une longue enquête pour les repérer : ils se porteront volontaires le plus souvent !
2- Repérez aussi les salariés experts d’un sujet et qui souhaiteraient contribuer. Et prenez en compte ce travail supplémentaire dans leurs fiches de poste. Cela permettra d’engager un mouvement pérenne, et pas un feu de paille.
3- Proposez de contenus qualitatifs qu’ils seront fiers de relayer. Ils ne porteront la bonne parole que si celle-ci est valorisante pour eux.
Prenez l’exemple de Dell qui a créé une « Social Academy » avec une plateforme proposant du contenu à diffuser, des photos et un guide de publication. Résultat : 58 % des employés-ambassadeurs parlent au nom de Dell au moins une fois par semaine en ligne. Ils partagent 6 fois plus d’informations sur la marque sur leurs comptes privés que sur les comptes officiels de Dell – un bel exemple de succès.
4-Formez-les ! Vérifiez que chacun adopte les mêmes codes et optimise ses pratiques. On n’écrit pas en majuscule sur les réseaux sociaux, on est bienveillant, on ne nourrit pas les trolls… On utilise des visuels bien cadrés (de préférence jolis), on mentionne les bonnes personnes… Une petite session « café-digital » en mode collaboratif devrait suffire.
5- Mettez en place une équipe pilote et un flux de copie qui favorise l’autonomie, avec un circuit de validation allégé. Valorisez l’innovation, la créativité, le « test and learn ». L’expérience acquise par ces défricheurs servira à consolider les bonnes pratiques auprès de l’ensemble des collaborateurs.
6- Prévoyez des recommandations et guides, des garde-fous pour éviter les risques de bad-buzz sur les sujets stratégiques. Quels sujets éviter absolument pour éviter les débordements, comment réagir intelligemment à une agression verbale, comment faire face à une crise d’image (éviter le déni, la surenchère, l’auto-justification bancale etc.)
Vous serez avisé d’établir une typologie des sujets les plus risqués avec un circuit de validation adapté (relecture du collègue ou de sa hiérarchie?).
Mais, de manière générale, favorisez l’autorégulation, la discussion et le travail collaboratif, plus que le listing exhaustif de tous les cas de figure avec règles précises à suivre.
7- Expliquez la ligne éditoriale de chaque réseau. Conseillez si besoin, la séparation des comptes perso et pro pour les collaborateurs qui ne souhaitent pas mélanger les deux.
8- Recrutez et formez un content/ community manager pour coordonner le tout, avec un rôle d’accompagnateur plus que de censeur !
9- Organisez des comités éditoriaux réguliers, planifiez les posts liés à chaque évènement, définissez leur angle en fonction des objectifs poursuivis. incluez les posts des réseaux sociaux dans le plan de communication plus global.
Lise Bissonnette Janody, consultante en stratégie de contenus et management, ajoute :
« il faut quand-même piloter l’initiative : établir le calendrier éditorial, encadrer et motiver les blogueurs, apporter des réflexions de haut niveau, de la perspective »
10- Enfin mesurez l’efficacité des publications, analysez ce qui marche ou pas. Célébrez les réussites et félicitez leurs auteurs ! Cela servira bien sûr à booster la motivation des troupes, mais aussi à partager les bonnes pratiques et idées.
Voilà donc l’un des nombreux chapitres du livre de Ferréole Lespinasse « la puissance de l’éditorial », dont je ne saurais trop vous recommander la lecture.
Cyrille Frank
Journaliste, formateur, consultant
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